«En 1948, les Palestiniens ont payé le prix de leur refus de la partition. Aujourd'hui, c'est nous qui refusons, nous en subirons aussi les conséquences. Nous sommes les occupants, ils sont les occupés, le reste, c'est de la propagande !» S. Aloni Comment imposer à ses voisins arabes la paix israélienne, contraindre les Palestiniens, à défaut de pouvoir, les «détruire», afin que triomphe son concept de paix et de sécurité ? Voilà donc à tout le moins un concept qui n'est point raisonnable car il ramène tout le contentieux proche-oriental au seul confort et sécurité de l'Etat hé- breu alors que le problème est essentiellement politique et demande des solutions politiques. Et cette solution politique c'est la reconnaissance mutuelle du droit de tous les Etats de la région à la paix et à la sécurité et le droit aux Palestiniens d'ériger leur propre Etat indépendant. En ce sens chaque partie se devait de faire le pas indispensable en direction d'un compromis propre à permettre la mise en oeuvre tant des résolutions de l'ONU que l'application des accords auxquels sont, jusqu'ici, parvenues les parties belligérantes. Comme le proclame si bien Yitzhak Shamir, Israël dispose du «veto» autrement dit, c'est l'Etat hébreu qui a tous les atouts en main pour parvenir à une solution consensuelle avec les Palestiniens. Et cette solution ne peut être que politique par la reconnaissance par Israël du droit de la partie palestinienne à l'érection de son Etat indépendant. Ce qui est actuellement loin d'être le cas. Il y a quelques années, l'ancien ministre travailliste des Affaires étrangères, Abba Eban, avait déclaré: «(...) Je crois que le problème doit être résolu dans le cadre d'une conférence internationale avec la présence des Palestiniens.» Mais, s'interroge M.Eban: «Quels Palestiniens?» Répondant lui-même à sa question il affirme: «Ceux qui acceptent les deux résolutions de l'ONU -la 242 et la 338 - qui affirment leur opposition au terrorisme et qui acceptent la légitimité de l'Etat d'Israël. Si l'OLP est prête à souscrire à ces conditions, l'opposition israélienne à cette présence n'aura plus à objecter.» (11) Son voeu a été exaucé par le président Arafat qui, en 1988, a non seulement reconnu les deux résolutions citées en référence, mais encore déclarée «caduque» la charte de l'OLP. Cette ouverture des Palestiniens, que toute la communauté internationale a saluée comme il se devait, a laissé de marbre les Israéliens qui avaient plutôt tendance à l'assimiler à une sorte de reddition de la part des Palestiniens. Le malentendu est là ; puisque l'Etat hébreu semble faire des résolutions 242 et 338 une autre lecture, qui conforterait les seuls intérêts d'Israël, que celle que lui donne unanimement la communauté internationale-retrait des territoires occupés et recherche d'un compromis équitable pour l'aboutissement à une solution raisonnée et raisonnable du dossier proche-oriental. En mai 1988, bien avant la reconnaissance par le Conseil national palestinien (CNP Alger novembre 1988) des résolutions 242 et 338, Le New York Times demanda à Yasser Arafat si l'OLP était prête à faire la paix avec Israël et de vivre dans son voisinage. Le leader palestinien affirmera: «Absolument» et «certes (nous n'allons vivre) pas au Japon» soulignant «la politique de l'OLP est claire: la terre en échange de la paix, c'est-à-dire la paix si Israël évacue les territoires qu'il occupe.» A propos des résolutions de l'ONU, M.Arafat aura ces mots: «Je l'ai déjà déclaré, je le répète une fois de plus: J'accepte «toutes» les résolutions des Nations unies, notamment les 242, 338, 605, 607 et 608.» Aux Israéliens Yasser Arafat il dira: «La paix a besoin d'hommes courageux. Nous en avons. Nous attendons que l'autre partie (les Israéliens) en ait aussi. Sont-ils prêts?» Indiquant en outre: «Nos enfants ont plus besoin de la paix que les leurs, car c'est Israël qui a le dessus, sur le plan militaire.» (12) En 1988 le président Arafat se demandait si les Israéliens étaient prêts à la paix. A l'évidence pas plus qu'en 1988, les Israéliens ne sont pas prêts, en 2001, à enterrer la hache de guerre. C'est dire. Et les répressions ou arguties de tous ordres n'y changeront rien: la paix, c'est l'évacuation par Israël des territoires qu'il occupe. Et l'évacuation cela suppose le tracé de frontières entre les territoires israélien et palestinien. L'évacuation des territoires et le tracé des frontières demeurent donc le noeud gordien de dossier proche-oriental. Cela est tellement vrai que même les lobboystes juifs américains pro-israéliens l'ont compris, qui, même s'ils le font à demi-mots, admettent maintenant que «l'occupation est la cause du désordre.» L'Intifadha de 1987, a eu le mérite de servir de catalyseur et de dessiller les yeux aux Américains comme de les inciter à réfléchir sur la situation prévalant au Moyen-Orient. La deuxième Intifadha aura aussi contribué à susciter des fissures à l'intérieur même de l'unanimisme israélien, et beaucoup d'entre eux n'hésitent plus à avoir des avis divergents de ceux de leurs dirigeants. De fait cette situation d'impasse est devenue intolérable autant pour les Israéliens, les Palestiniens, que pour la communauté internationale. En Israël, l'opposition se réveille et exige du gouvernement la prise en considération des droits palestiniens. Aujourd'hui existe une contradiction irréfragable, un mur infranchissable érigé par Israël, car, prétendre négocier la paix comme le fait l'Etat hébreu, et dans le même temps consolider la colonisation de peuplement dans les territoires est, d'une part, une duperie, et dans le meilleur des cas, mépris envers les Palestiniens, arrogance envers la communauté internationale d'autre part. Ce n'est donc qu'après la deuxième Intifadha et les violences qu'elle a induites, (conséquence directe de l'impasse ou se trouve le processus de paix) que des voix, hélas encore bien ténues, notamment celle de l'Union européenne commencent à demander le gel de la colonisation, sans pour autant oser l'exiger, ou faire le lien entre le gel, d'une part, la nécessaire présence d'une force internationale d'interposition et le respect des droits du peuple palestinien, d'autre part, l'obligation d'application, par Israël, de toutes les résolutions des Nations unies afférentes au contentieux du Proche-Orient enfin. Ce qui reviendrait à faire imposer par les Nations unies l'établissement d'une frontière entre les deux peuples, garantissant leur sécurité et leur indépendance respectives. Aussi ce qu'il convient de souligner, est que la situation de blocage actuelle découle de cette impossibilité d'instaurer la paix tout en méconnaissant le droit imprescriptible des Palestiniens à édifier leur Etat indépendant, garanti par des frontières internationalement reconnues. Situation que résume parfaitement la prise de position de Shoulamit Aloni, ancienne dirigeante du Meretz (parti de la gauche radicale israélienne) qui a déclaré à un périodique français: «En 1948, les Palestiniens ont payé le prix de leur refus de la partition. Aujourd'hui, c'est nous qui refusons, nous en subirons aussi les conséquences. Nous sommes les occupants, ils sont les occupés, le reste, c'est de la propagande.» (13) Dans cette même optique, un militant des droits de l'Homme israélien, ancien objecteur de conscience, Gaddi Algazy ( il fit de la prison dans les années 80 pour avoir refusé de servir dans les territoires occupés ) enfonce le clou en dénonçant d'abord «l'apartheid rampant» qui sévit, selon lui, en Israël. Algazy affirme aussi: «Israël est un ghetto qui tente d'enfermer ses citoyens arabes dans un autre ghetto ; tout en s'efforçant de maintenir les Palestiniens dans un troisième ghetto (...)» et se montre très critique envers le mouvement «la paix maintenant» qui, selon G.Algazy, «(...) a épousé les thèses d'un gouvernement dont nombre de ses membres étaient issus de ses rangs. Il n'a pas dénoncé la poursuite de la colonisation» affirmant, par ailleurs, «la gauche israélienne n'a jamais eu le courage d'affronter les colons. Elle n'a pas voulu payer le prix d'Oslo, au contraire des Palestiniens.» (14) La communauté internationale et particulièrement le parrain américain, ont, en main, tous les éléments permettant de trouver une solution qui, tout en rétablissant les Palestiniens dans leurs droits, assure aux Israéliens la sécurité dont ils disent avoir tant besoin. C'est juste une question de volonté et de détermination de la communauté internationale et du Conseil de sécurité des Nations unies à faire appliquer par l'Etat hébreu des résolutions toujours en attente d'être honorées par Israël. Les textes juridiques afférents au dossier proche-oriental existent et ne demandent qu'à être concrétisés sur le terrain. Le reste, tout le reste, est à tout le moins une fuite en avant dommageable pour la paix dans la région et à tout le moins une démission des autorités influentes mondiales face à l'irrédentisme israélien.