Les trois enfants enfuis de chez eux n'ont dû la vie sauve qu'à beaucoup de chance. «Il faut bien que jeunesse passe», dit le vieil adage. Certes, mais en attendant, que de drames en latence ne réserve-t-elle pas aux parents depuis que les enfants de ces temps modernes ont fait des fugues, bien différentes de celles qui a fait le succès de Jean-sébastien Bach, une sorte de passe-temps, pas plus «mauvais» qu'un autre. L'histoire, qui remonte à la fin de la semaine passée, concerne trois jeunes garçons de Skikda, âgés entre 12 et 14 ans. Pris par un brusque excès de fuite «rimbaldienne», trois jeunes adolescents, nous apprend-on de sources sécuritaires, ont pris la fuite de chez eux en direction de Mila, ville située entre Jijel et Skikda. Le choix de cet endroit, qui ne devait être qu'une étape, en attendant la «grande évasion», était justifié par le fait que l'un des jeunes garçons y avait un oncle qui aurait pu les recevoir, le temps de les alimenter et de leur donner un peu d'argent pour la route. Certes, une pareille démarche ne tient pas la route, puisque l'oncle aurait certainement fini par se douter de quelque chose, avant d'appeler les parents de ces gamins franchement écervelés. Toujours est-il que dans ce cas précis, le hasard a très mal fait les choses, comme devaient le raconter plus tard le premier «rescapé» de cette «odyssée» qui a failli très mal tourner. Au niveau de la station de taxis, les enfants en ont pris un en direction d'El-Milia, sise à Jijel, au lieu de Mila, où ils devaient aller initialement. Pris de panique au moment d'arriver sur place, ne reconnaissant pas l'endroit et ne sachant quoi faire, ils se sont adressés à un «malabar» qui semblait leur avoir inspiré confiance parce qu'il portait une barbe. Mal leur en prit, comme le raconte encore le premier rescapé. L'homme, flairant une «opportunité» à saisir absolument, leur propose de les prendre en charge le temps qu'ils rentrent chez eux, ou qu'ils aillent à Mila. Mais, au lieu de les conduire vers quelque endroit sécurisé, c'est vers un fort, jadis infesté de terroristes de l'AIS qu'ils se dirigent. Le plus futé des gamins qui, en plus, avait sur lui l'argent de tout le monde, c'est-à-dire une somme d'à peine 1200 dinars, réussit à prendre la fuite, et à semer le groupe. C'est, du reste, cette initiative heureuse qui va permettre d'éviter le drame. L'homme, racontent les gosses, les a séquestrés, avant de leur proposer de travailler pour lui en vendant de la drogue. Pris de panique et ne sachant que faire, les gosses se sont rebiffés, ruant dans les brancards, ce qui a permis à un second gosse de prendre la poudre d'escampette, avant d'être retrouvé quelques heures plus tard par son père, parti à sa recherche dès le moment où le premier «fuyard» a réussi à prendre contact avec sa famille par téléphone. Mais les choses se sont compliquées par la suite. Le gigantesque dispositif sécuritaire déployé par la suite pour rechercher le troisième enfant n'a permis de retrouver que ses vêtements, jonchant une clairière, où des traces de lutte étaient encore perceptibles. Ce n'est que 24 heures plus tard, que le troisième enfant, violé par cinq personnes à la fois, a pu être retrouvé sain et sauf, mais terriblement atteint sur le plan psychologique. Le portrait-robot du suspect, actuellement recherché, a permis de situer son identité. Il ne s'agit rien moins que d'un ancien terroriste repenti. Ses complices, quant à eux, n'ont pas été identifiés puisque le troisième enfant est toujours incapable d'apporter le moindre témoignage cohérent. La seule moralité d'un pareil drame, qui se termine relativement bien, c'est qu'il faut absolument se méfier de la jungle de la rue car une petite fugue pour l'aventure, pour la frime ou même par besoin absolu d'air et de liberté, peut bien souvent virer au drame, au moment où l'on s'y attend le moins.