Depuis El Bahia, Chaquour L. trafique le permis de conduire de son frère, prend la voiture de son cousin, prend un pot avec son beau-frère et se dirige sur Alger. Seulement, voilà... Maîtres Hamdoud Laceb et Chaïb sont dans leur lundi à Koléa pour défendre deux beaux-frères surpris en flagrant délit de détention de drogue (quinze kilos). Les deux avocats se sont longtemps concertés avant que Kamel Djebarni, le président de la section pénale ne pénètre dans une salle d'audience pleine à craquer. Ils se sont concertés car le dossier est plus que lourd et les faits le sont encore plus. C'est ainsi que les deux beaux-frères quittent Oran pour Alger. L'un des deux alliés est dans un état d'ivresse manifeste. C'est le second beau-frère qui prend le volant. Aux environs de Koléa, un contrôle de police permet de découvrir à l'intérieur des portières quinze kilos de came. Puis, tout se précipite. Tout va vite. Or, dans toute cette histoire, il n'y avait qu'un seul qui a reconnu devant la PJ que la drogue lui appartenait. A l'audience, à onze heures tapantes, Maîtres Hamdoud, Chaïb et Laceb Ouali s'avancent vers la barre, assister les deux détenus. Le premier inculpé donne sa version des faits. «Mon beau-frère m'a embobiné par des drôles d'histoires de gains faciles. J'étais malheureux, sans argent ni entrées. J'étais prêt mentalement à partir avec le diable, pourvu que j'aie du fric». Le second inculpé donne une toute autre version. «Durant dix jours, il m'a harcelé pour que je l'accompagne à Alger où les autos se revendent bien et chères», raconte l'inculpé qui dit avoir fléchi un matin, lorsque son compagnon s'est présenté ivre mort pour l'informer qu'il allait seul sur Alger. Sur ce, s'apitoyant sur son sort, il décide de prendre le volant à sa place. «J'ai très mal agi car voilà où je me trouve, loin des miens, poursuivi, humilié. Je ne savais pas qu'une telle foudre allait s'abattre sur ma famille», se lamente l'inculpé. Abdelkrim Aroui, le PR pose dix questions pour situer la responsabilité du premier détenu et à un degré moindre, le second. Le procureur aura à coeur d'enfoncer le détenu, alléché par une somme, somme toute modeste au vu de la quantité de came transportée. Pire, le PR apprend que l'auto était en panne, qu'elle avait été remise au mécanicien qui aurait pu placer la maudite marchandise. Mais c'est le même Aroui qui surprend l'inculpé en lui apprenant que la voiture avait de faux papiers! Et pan! D'une tuile à une autre, le verdict se dessinait. La tâche des trois avocats était très ardue et c'est peu dire. D'ailleurs, le réquisitoire du PR sera comme d'habitude, impitoyable. Et les noms d'El Mengouch, Pepito, Tchikou, résonneront longtemps dans la salle d'audience dit lentement Djamel qui affirme que son beau-frère lui avait proposé de l'accompagner à Alger pour remettre la voiture au nouvel acheteur. «J'ignorais que l'auto contenait de la drogue. Pire, comme je n'avais pas de permis, j'ai soustrait le permis de conduire de mon frère, décollé la photo et placé la mienne», ajoute le détenu qui est vite stoppé par Djebarni, le juge. «Donc, c'est prémédité comme voyage avec, au bout, l'enfer, la détention et tout...». L'inculpé s'enfonce en racontant qu'il avait bu avant de prendre le volant. C'est fou comme comportement. «Je vous informe que j'ai conduit seulement quelques kilomètres en état d'ivresse. J'ai renoncé et remis le volant à mon co-détenu», continue l'inculpé qui réaffirme que l'auto était tombée en panne, que son beau-frère s'était déplacé au commissariat de police, prié les policiers de les aider. Malheur leur arriva. Les policiers avaient flairé le scandale. La découverte de la came mène les deux beaux-frères à la tourmente appelée «appareil judiciaire». «Et dire que j'ai reçu une avance de près d'un million huit cent mille centimes en attendant de recevoir le reste des quatre millions promis dès la remise de l'auto», marmonne avec l'accent sympathique des frères oranais, le détenu, beau et jeune par ailleurs. Après une mise en examen d'une semaine, le président inflige aux coupables six ans ferme. Me Chaïb grimace et interjette l'appel, souhaite aller devant Mim, Kessenti ou Bouamrane, crier sa douleur.