Aussitôt la loi adoptée dans la nuit de lundi à mardi par le Parlement, les Palestiniens ont appelé la communauté internationale à sanctionner Israël. Dénoncée comme un crime de guerre ou un vol légalisé, la nouvelle loi israélienne en faveur des colons scandalise les Palestiniens et les défenseurs d'une solution à deux Etats, tandis que l'administration Trump garde ses distances. Les défenseurs des droits de l'Homme et de la cause palestinienne ont annoncé qu'ils saisiraient la Cour suprême israélienne pour faire annuler le texte. Le leader travailliste israélien Isaac Herzog a brandi le spectre de compatriotes inculpés par la Cour pénale internationale. La réaction américaine a offert un frappant contraste avec cette indignation mais aussi avec les critiques émises jusqu'au bout par l'administration Obama contre la colonisation. L'administration Trump a «besoin de consulter toutes les parties sur la manière d'avancer», selon les mots d'un responsable du département d'Etat qui reflètent des déclarations antérieures selon lesquelles elle n'avait toujours pas arrêté sa position sur la colonisation. La loi devrait être attaquée devant la Cour suprême, a-t-il dit, et «l'administration Trump se gardera de commenter cette loi avant toute décision de justice». Ce texte adopté par 60 voix pour et 52 contre autorise l'Etat à déclarer terres israéliennes des terrains privés palestiniens sur lesquels des Israéliens ont construit sans autorisation en Cisjordanie occupée, soit parce qu'ils ignoraient qu'ils étaient propriétés privées, soit parce que l'Etat les aurait laissés faire. Les propriétaires palestiniens seront compensés financièrement ou par d'autres terrains. La loi protégera les colons d'évictions comme celle, la semaine passée, de la colonie sauvage d'Amona, selon ses promoteurs. Elle devrait revenir à «légaliser» 53 colonies dites «sauvages» et à exproprier au minimum plus de 800 hectares de terres palestiniennes, estime l'organisation israélienne la Paix maintenant. «Par cette loi, (le Premier ministre Benjamin) Netanyahu fait du vol la politique officielle d'Israël et salit les livres de loi israéliens», a-t-elle réagi. Tout cela «pour satisfaire un petit groupe de colons extrémistes et assurer sa propre survie politique». La communauté internationale voit dans les colonies un obstacle à la paix toujours insaisissable. Mais chez de nombreux défenseurs des colons est ancrée la conviction que ces terres reviennent par la Bible à Israël, quoi qu'en disent les juges israéliens, les Palestiniens et la communauté internationale. Aussi les détracteurs du texte y voient-ils un pas de plus vers l'annexion de la Cisjordanie, ouvertement réclamée y compris par certains ministres. «Une telle loi signifie l'annexion définitive de la Cisjordanie», s'est alarmée la dirigeante palestinienne Hanane Achraoui. Elle prouve que le gouvernement «raciste et extrémiste» de Benjamin Netanyahu «détruit délibérément les chances de paix». La communauté internationale doit prendre des «mesures punitives et des sanctions avant qu'il ne soit trop tard», selon elle. La loi soulève une multitude d'interrogations quant à sa conformité avec les textes fondamentaux israéliens et le droit international. C'est la première fois qu'Israël applique sa loi civile en Cisjordanie, non seulement à des individus mais à des terres reconnues comme palestiniennes, souligne le professeur de droit Amichai Cohen. Le procureur général israélien Avichai Mandelblit a prévenu le gouvernement que le texte ne résisterait probablement pas à l'examen de la Cour suprême et qu'en plus il exposait Israël aux poursuites de la CPI. «Le train qui se met en branle aujourd'hui a pour terminus La Haye», où se trouve la CPI, a dit le travailliste Herzog devant la Knesset. «Les responsables israéliens poussant à la colonisation devraient savoir que l'administration Trump ne peut pas les protéger de l'examen de la CPI», à laquelle les Palestiniens ont déjà soumis des dossiers contre Israël, selon Human Rights Watch. Le député Bezalel Smotrich, l'un des plus ardents défenseurs de la loi, a pour sa part remercié les Américains d'avoir élu président Donald Trump, «sans lequel la loi ne serait probablement pas passée».