Le transport en commun à Oran est devenu une corvée à laquelle les milliers d'usagers sont souvent contraints de supporter les humeurs des uns et les mauvaises odeurs des autres. Prendre le bus à Oran est devenu un exercice qui rebute plus d'un. Les transporteurs peu respectueux de la réglementation ont transformé le secteur en une véritable jungle où la loi est toujours au plus fort. «Avancez vers l'arrière, il y a encore de la place» est devenu un leitmotiv qui s'incruste même dans les rêves les plus secrets des Oranais. Les receveurs souvent recrutés pour leurs biceps ou pour leur forte gouaille, ont inventé un nouveau langage où la logique est inversée au point qu'il est devenu possible aujourd'hui d'avancer vers l'arrière. Depuis l'ouverture du secteur au privé, des milliers de bus et de microbus ont fait leur apparition dans les rues de la ville. Mais ces renforts n'ont pas pour le moment satisfait à la demande d'une clientèle toujours en évolution. «Les bus existent mais il faut revoir leur système de rotation. L'organisation des trajets et le comportement des chauffeurs et autres receveurs font qu'il n'y a aucun respect pour les clients», dira un voyageur rencontré sur la ligne 51 (USTO-Palais des sports). Plusieurs usagers reprochent beaucoup de choses au transport qui ne répond pas, comme se plaisent à le dire aussi bien les voyageurs que les transporteurs, aux attentes des citoyens. «Il existe des lignes où la distance est tellement longue qu'on a l'impression de passer un siècle quand on les emprunte», dira un jeune homme à propos de la ligne H qui traverse la ville d'est en ouest. Le départ est souvent donné après une attente qui peut durer une demi-heure au cours de laquelle les nerfs des passagers sont mis à vif. Le conducteur tout comme le receveur, impassibles aux remontrances des voyageurs, restent de marbre avant de décider de lever «l'ancre». Généralement, le premier arrêt est marqué après une centaine de mètres. Là, encore une attente, encore des remarques, des quolibets souvent lancés sans attirer aucune réaction du receveur qui continue sa litanie «avancez à l'arrière, il y a encore de la place». Les portes s'ouvrent, personne ne descend mais une dizaine d'autres passagers qui attendaient le bus tentent d'y grimper en jouant des coudes. Ces scènes se répètent tout le long du trajet d'El Hassi à Canastel et peut durer parfois jusqu'à deux heures. Quand les clients se font rares ou quand un bus «grille» son tour de passage, les passagers du véhicule «brûlé» se retrouvent victimes de l'ostracisme et des nerfs du conducteur qui n'hésite pas à appuyer sur le champignon pour rattraper le bus resquilleur et lui chiper les voyageurs aux autres arrêts. C'est un véritable gymkhana auquel sont soumis les voyageurs obligés de rappeler au conducteur les règles de sécurité et parfois même les éléments du code de la route. Des remarques du genre, «tu veux nous tuer ou quoi ou encore tu nous vois tous en pièces de dinars» fusent à la volée sans pour autant susciter une quelconque réaction du chauffeur ou de son receveur. Ce sont là quelques scènes vécues dans les bus à Oran. Les responsables de la direction des transports, malgré toute leur bonne volonté, continuent de se triturer les méninges pour trouver une solution à cette situation née d'un manque flagrant d'organisation et de respect des lois affiché par bon nombre de transporteurs qui veulent à tout prix gagner beaucoup d'argent sans s'embarrasser du confort des passagers ni de leur sécurité.