L'attentat kamikaze a fait au moins 60 morts Il faut savoir que la prise d'Al Bab représente pour le président turc Tayyep Recip Erdogan un atout crucial, à quelques semaines du référendum qui doit, le 16 avril prochain, permettre d'amender la Constitution pour renforcer ses pouvoirs... 24 heures à peine après l'entrée des forces turques et rebelles dans la ville d'Al Bab, un kamikaze a visé deux sièges de la rébellion à Soussiane, faisant au moins 60 morts et plusieurs dizaines de blessés dans un état très grave. Cet attentat porte évidemment la signature de Daesh puisque les deux quartiers généraux visés de la rébellion se situent à moins de 8 km de la ville d'Al Bab, dernière grande ville qui était encore aux mains de l'EI dans la province d'Alep. La Turquie avait annoncé avec emphase ce «succès majeur» qui couronnait une opération militaire engagée depuis plusieurs mois dans le nord de la Syrie, avec l'aide des rebelles au régime du président Bachar al Assad. L'accent était mis sur le «rôle» de ces derniers, à un moment où s'ouvraient à Genève le quatrième round des pourparlers entre le gouvernement syrien et l'opposition pour tenter de mettre fin au conflit. Entrés jeudi dans la ville qui est distante de quelque 25 km de la frontière, Turcs et rebelles syriens poursuivent des opérations de «ratissage» afin de sécuriser cet enjeu stratégique de la guerre qui se déroule en Syrie. Al Bab a été longtemps le lieu de rendez-vous des candidats au «djihad» venus rejoindre les rangs de Daesh, via la Turquie, et le groupe terroriste en a fait un véritable bastion d'où partaient les kamikazes pour ensanglanter la Syrie et certaines villes européennes. C'est ce qui explique la résistance farouche de l'EI qui ne pouvait perdre Al Bab sans conséquence pour la ville de Raqqa, son ultime place forte dans le pays à un moment où sa présence à Mossoul, en Irak, est compromise d'heure en heure. Daesh est privé, avec cette défaite, d'un centre de commandement stratégique en Syrie et d'importants revenus grâce aux flux de capitaux et autres taxes perçues depuis trois ans. Il faut savoir que la prise d'Al Bab représente pour le président turc Tayyep Recip Erdogan un atout crucial, à quelques semaines du référendum qui doit, le 16 avril prochain, permettre d'amender la Constitution pour renforcer ses pouvoirs et lui permettre de renforcer sa mainmise sur le pays. Ainsi, a-t-il imposé une marche à pas forcés pour mobiliser l'électorat autour des «sacrifices» de l'armée turque en Syrie, glorifiant les «soldats martyrs» et appelant l'ensemble des citoyens à une union sacrée. Cette stratégie ne s'est pas déroulée sans heurts car la Turquie a connu de nombreux attentats sanglants tant de la part de l'EI que du PKK et son enlisement en Syrie fait craindre le pire aux partis de l'opposition. Conscient du danger, Erdogan s'est impliqué fortement dans le processus du cessez-le-feu suivi de pourparlers à Astana, au Kazakhstan, le mois dernier. Il a même fait quelques concessions sur certaines de ses exigences antérieures, notamment celle qui concerne le sort du président Bachar al Assad. Avec la Russie et l'Iran, soutiens du régime syrien, il conduit la partie dite de la rébellion, en fait certains courants de l'opposition dont on ne sait pas l'impact réel sur le terrain des opérations. Ainsi s'explique le pessimisme ambiant dans lequel se sont ouvertes les discussions de Genève. Ce quatrième round qui intervient dans un contexte radicalement différend depuis que l'armée syrienne a repris la ville d'Alep et pris à la gorge les groupes rebelles dans de nombreuses autres provinces et localités, voit une opposition déconfite qui veut se protéger grâce à une surenchère dont elle ne possède ni les moyens ni les atouts. Qui plus est, des combats acharnés opposent ces temps derniers des factions islamistes, dont Fateh al Cham, ex-Al Nosra, à des groupes rebelles armés, mettant à nu la faiblesse et les divisions qui minent cette opposition, même si, pour donner le change, des fusions sont annoncées de manière cyclique entre telle et telle faction comme récemment Ahrar al Cham. Les initiatives de la Russie, auxquelles adhèrent l'Iran et la Turquie, rendent encore plus criardes ces faiblesses d'une opposition que l'élection de Donald Trump n'est pas non plus faite pour rassurer. Le nouveau président des Etats-Unis n'a pas fait mystère de son intention de combattre l'EI, en priorité, et de s'allier pour cela à la Russie. Même si la géopolitique de Trump reste encore floue, dans l'ensemble, et alors que le sénateur John Mac Cain s'est rendu secrètement ces jours derniers à Kobané pour y rencontrer les troupes américaines présentes aux côtés des rebelles, tout indique que Genève IV ne sera probablement pas le temps fort de la paix en Syrie.