Quand un artiste algérien dérape dans une émission de télévision française, ça fait mal au point de susciter en nous de nombreuses interrogations et en premier lieu comprendre le pourquoi. Un homme public de la trempe de Mohamed Fellag, puisque c'est de lui qu'il s'agit, devrait savoir que tout ce qu'il dit devient automatiquement visible partout avec la multiplication des supports en cela à un rythme à peine soupçonnable. Un artiste doit alors savoir que les moindres mots prononcés seront soumis à l'analyse ou tout simplement au débat, surtout quand il est question de l'Algérie vue par ceux qui vivent là-bas en France. Le discours de notre humoriste et comédien génère déjà la polémique sur les réseaux sociaux et c'était prévisible.Invité de l'émission hebdomadaire «Thé ou café» sur France 2 Fellag étonne d'abord par sa posture. Est-il à ce point timide, lui qui affronte des milliers de spectateurs dans ses tournées en France et au Canada, au point de se faire tout petit et de perdre en passant l'exactitude des mots employés en guise de réponse aux questions de l'animatrice? Faut y croire. Après tout, quand il est sur scène, c'est carrément un autre exercice. Idem pour le cinéma où il excelle en tant que comédien. Mais là, en tant qu'invité spécial de cette émission, Fellag n'était visiblement pas à l'aise, à moins qu'il n'ait été dans son mauvais jour. Le terroriste qui tue de rire comme il aime à se qualifier, bien que la formule ne soit pas judicieuse, parle de son passé, de sa tendre enfance, du premier exil à Alger entassés dans un fourgon, puis des années durant dans une maisonnette à la Casbah, de l'école où il découvre les premiers films et sa passion pour le cinéma avec une précision que c'était à l'époque coloniale. Précision de trop et franchement inutile, sauf si, vraisemblablement, le comédien et humoriste voulait suggérer quelques bienfaits de la colonisation. Bon, là nous sommes dans la déduction et même dans la supputation. Mais là où il ne peut subsister le moindre doute c'est au moment où Mohamed Fellag répond à deux questions. La première relative aux rêves des jeunes Algériens. Sans hésitation aucune, le comédien affirme que les jeunes Algériens ne rêvent que de quitter le pays et de venir s'installer «dans l'ancien pays colonial». Sans aucun bémol ni nuance par ailleurs. La question logique qui devait suivre ne pouvait être que: est-ce que l'indépendance a apporté ses rêves? Là, avec une aisance déconcertante Fellag répond du tac au tac: «Non, l'indépendance n'a pas apporté ses fruits» avant d'ajouter: «On en a rêvé, on l'a aimée et nos parents se sont battus pour ça.» Choquée, l'animatrice lâche que c'est terrible de dire ça. Fellag ne désarme pas: «Si, ce n'est que des fruits amers.» Oui nous le concédons, c'est vraiment amer que d'entendre cela de la bouche de notre comédien qui ne s'arrêtera pas là puisqu'il avance que le meilleur souvenir de son enfance, c'était le jour de l'indépendance. Il se rappelle qu'il était avec ses parents qui avaient notre drapeau au balcon et que dans la rue, dans l'euphorie de la fête, il y avait des moudjahidine et leurs anciens ennemis. Un soldat français lui a remis une pièce de monnaie de 5 francs. Sacré Fellag, dans un de ses spectacles, il avait déjà donné la couleur en demandant à ses spectateurs quel est le consulat le plus prisé, le plus aimé des Algériens et sans attendre la réponse, il jubile en annonçant que c'est le consulat français avant de clamer: «On vous aime et là où vous irez, on ira.» C'était un extrait du spectacle, mais pour le reste, il y a réellement matière à polémique.