En 2002, le législateur a évoqué l'extraction de sable, cette infraction qui a poussé le parquet à ne plus évoquer le vol de sable... Me Bouchiouane, le juge de Rouiba a pris tout son temps pour écouter six inculpés de vol de sable et complicité. Maîtres Mettak, Lamouri, Hadj Kerboui, Belantar, Handjar et Kihal, très à l'aise ce dimanche, ont entendu leurs clients, les transporteurs notamment expliquer que les navettes de transport de sable, étaient fort nombreuses que jamais les gendarmes ne les avaient inquiétés. Nadia Mamèche, la jolie procureur suit assidûment les débats. Elle posera même quelques questions qui mettront mal à l'aise les inculpés dont plusieurs sont encore «out» d'être dans cette position de poursuivis pour une inculpation comme l'a fortement crié Me Lamouri, qui ne tient pas debout. «Le code pénal prévoit dans son article 350, le vol d'électricité, d'eau mais pas de... sable», s'est égosillé le conseil qui savait pourtant qu'il s'agissait d'extraction de sable, une infraction prévue et punie par la loi, mais qui faisait en sorte qu'elle n'existe pas, car sur les six inculpés, la moitié travaille dans le parc du principal inculpé qui a dit au juge que le sable avait été acquis correctement, factures à l'appui. Pour le président, le chauffeur n'avait pas à fuir à la vue des gendarmes. Le patron savait que Kadour a eu la trouille et s'est mis dans de beaux draps. «Et nous avec», murmure le boss du parc. Il précisera même à Bouchiouane que depuis 1999, ses poids lourds ramènent du sable de plage des wilayas d'Ettarf et d'Annaba sans aucun problème. Mamèche requiert dix-huit mois fermes d'emprisonnement, une amende de vingt millions de centimes et la saisie des camions. Me Lamouri salue d'emblée la courageuse décision d'Ettarf de vendre du sable de la région à des entrepreneurs en exercice légal. Là où l'avocat dira son désaccord avec la méthode de travail de la PJ: «Où est la preuve que ce sable a été extrait des plages de la région?», s'est-il exclamé avant de rappeler au tribunal que le dossier contient toutes les factures émanant même de... Skikda et le relevé des impôts dûment réglés au Trésor. «Cherchez le délit ou l'infraction!», a encore crié le conseil qui n'a demandé que la relaxe car de nos jours, le citoyen court derrière la semoule et le... sable. «C'est un signe de bonne santé de notre pays», a conclu Me Bénouadhah, qui a rendu hommage au législateur qui a effectué une sortie en 2002 en n'évoquant plus le vol, mais l'extraction de sable. Me Benantar, le deuxième avocat, se dit fâché que ces citoyens soient malmenés alors que leurs activités sont transparentes et nettes. «Ce parc n'est pas souterrain. Il est à ciel ouvert dans un quatre chemins, il possède un RC établi très proprement et sans faute. Où a-t-on trouvé le délit?», a articulé le conseil qui a lui aussi, demandé la relaxe. Me Nacéra Hettak-Bouali, elle, ne va pas prendre de gants pour plaider le dossier et le droit. Elle réévoque devant le magistrat attentif, que ces inculpés sont ici sans preuves ni témoins. «Il y a un abus quelque part et justice doit être rendue», marmonne-t-elle avant de demander elle aussi, la relaxe. Me Saïd Handjar succède à sa cadette pour mettre sous les feux de la rampe l'article 20 et ses effets. Il n'y a aucun article de loi qui punit l'achat de sable avec lequel on construit et notre pays construit, état, ministères, institutions et nos citoyens construisent tous les jours, tous les mois, tous les ans, a crié l'avocat qui a regretté que l'on ait traîné devant la barre un honnête entrepreneur innocent de tout et à qui on devrait restituer les engins roulants. Me Kihal a, pour sa part, insisté sur la manière de travailler du patron du parc. «Mon client a été interpellé au volant de son semi-remorque à l'intérieur du parc en train d'acheter du sable, facture à l'appui. On ne l'a jamais pris sur la plage, sur la RN5 ni encore moins errant...», a dit l'avocat. Me Hadj Kerboui pose une question qu'il estime capitale: «Où a-t-il été pris en flagrant délit d'extraction de sable? A l'intérieur du parc. Il était en pleine transaction d'une matière sujette à commerce. La transaction n'a jamais été entreprise à l'ombre, au noir. Non ! Il a payé, pris ses factures. C'est pourquoi la relaxe est vivement demandée», a soufflé l'avocat qui a noté avec une vive satisfaction la peine de prison assortie du sursis. Comme quoi, plaider devant un grand Bouchiouane est un gage de bonne santé de la justice.