Un jeune de Réghaïa erre dans les rues. De rêves en cauchemars, il lui arrive d'acheter des joints, juste de quoi planer tant il est lassé par l'errance. Yassine K. est un jeune de Réghaïa pris avec deux joints dans la poche. Me Lamouri est constitué par la famille et lorsque ce pétillant défenseur accepte de défendre un jeune, il met en branle un «truc» qui «chloroforme» carrément les juges dont beaucoup respectent ce conseil, un véritable professionnel. Dans cette affaire, Me Lamouri a construit sa stratégie sur trois pans. Le premier a été consacré au suivi soutenu de l'interrogatoire mené de main de maître par la chatoyante juge pas trop gênée par la présence de ce jeune égaré, errant, désespéré et suivant un chemin qu'il n'aurait jamais dû suivre. Il est vrai que le détenu arbore une mine de catastrophe naturelle en fin d'épuisement et au début du retour au calme climatique. Son regard fuit le côté parquet où ergote Ahmed Mihoubi le rugueux procureur qui ne fait point dans le sentiment. Il représente la société et les deux mégots poussant les jeunes à sniffer, planer, fauter, être confondus et jugés, le rendant encore plus sévère, lui permettant plus tard de répliquer à l'avocat, lequel avait évoqué l'article 56 du code pénal qui soulève la récidive, la même peine dans le même temps, les mêmes conditions et tutti quanti l'atmosphère est lourde. Le jeune inculpé tremble de toute sa frêle carcasse. Son avocat poursuit sa plaidoirie juste après une seconde réplique du PR. «On ne peut appliquer les termes dudit article tant qu'il n'y a pas une copie du casier judiciaire dans le dossier», murmure-t-il presque au moment où le procureur près le tribunal de Rouiba montre le bout du nez, car il lui arrive souvent d'effectuer des tournées impromptues dans le minuscule tribunal indigne de cette grosse et belle localité. Le deuxième a concerné un chapelet de questions en vue de lever les zones d'ombre qui ont plané sur le dossier. Mais avec cette présidente, une «pro» de l'instruction, tout rentre dans l'ordre et le prévenu n'aura droit qu'à ce que prévoit la loi. Etp cela, le conseil le sait. Il le sait à telle enseigne qu'en abordant le dernier pan de la stratégie, il ne manquera pas de remercier le magistrat pour la célérité et l'adresse dans la conduite des débats puis saute aux faits qu'il trouve anodins, banaux, sans risque: «Qu'avons-nous aujourd'hui, madame la présidente ? Ce jeune est honnête. Il erre dans les artères de la ville de Réghaïa et à l'occasion, il lui arrive de sniffer même l'aspirine, question de bien se sentir...» Et comme pour se faire pardonner ces... excuses assommantes, Me Lamouri débite un chapelet d'anecdotes dont plusieurs suscitent l'intérêt de madame la juge. Me Lamouri qui a entendu les demandes effectuées, cinq mois de prison ferme, n'aura d'autre argument que les circonstances atténuantes surtout que pour le traditionnel dernier mot, Yassine étourdi par la position debout que beaucoup de jeunes trouvent humiliante, arrive à demander pardon au tribunal. Il est alors condamné à six mois de prison assortis du sursis, comme pour prouver que la justice sait se montrer magnanime.