C'est vrai, il y a là matière à réflexion et à débattre pour nos économistes et nos dirigeants. La privatisation, si j'ose dire, court les rues. On pourrait librement imaginer ce spectacle inouï. Certains y vont de toute leur compétence, engageant leur conscience nationale et professionnelle ; d'autres y vont dans tous les sens, à la fois, surchargeant les voies existantes et abattant les rares garde-fous pour gagner davantage d'espace ; d'autres encore, plus dégourdis, y vont de leur férocité enthousiaste carrément brûlant les sens interdits... La privatisation en Algérie semble alors singulièrement affoler le monde des affaires. Voilà, il faut bien le dire, un sujet qui ne cesse de faire passer les économistes et les dirigeants de notre pays - face à la mondialisation - par des alternatives d'exaltation et de refus et forcément si on mêle, à tout venant, économie et politique. Nacer-Eddine Sadi essaie d'apporter un éclairage utile à ces tensions politico-économiques inspirées par les différents programmes de privatisation dont quelques-uns ont déjà été initiés. Son ouvrage, à l'origine une thèse de doctorat en économie appliquée, a justement pour titre La privatisation des entreprises publiques en Algérie: objectifs, modalités et enjeux (*). Les deux préfaces explicatives qui accompagnent ce gros travail de recherche, de documentation et d'analyse sont dues à ses codirecteurs de thèse : Jacques Fontanel (professeur) et Vincent Plauchu (maître de Conférences), tous les deux de l'Université de Grenoble 2. L'un a écrit : «A partir d'un travail de recherche impressionnant et sans complaisance, et d'une somme de connaissances sur les processus de privatisation en général et sur les privatisations en Algérie en particulier, il a tiré un ouvrage accessible à un public plus large.» L'autre a pu résumer l'argument de la thèse comme suit: «Si, à l'origine, les entreprises s'inscrivaient idéologiquement dans le cercle vertueux du respect prioritaire de l'intérêt collectif de la Nation, elles n'ont pas pu échapper, du fait des tentatives de la corruption et d'intérêts particuliers, à l'émergence d'un cercle vicieux de défense d'intérêts spécifiques masqués derrière une représentation très discutable de l'intérêt collectif. En ce sens, l'histoire des privatisations en Algérie met en évidence les «rapports de force» entre les dirigeants des entreprises nationales, les «étatistes» et les «modernistes» convaincus de la nécessité pour l'Algérie de s'ouvrir au monde libéral de la mondialisation économique d'aujourd'hui. La complexité des textes et la lenteur de leur application témoignent des négociations continuelles qui ont donné ce processus.» Cependant, il est clair que la privatisation ne relève pas d'un système parfaitement mis au point et généralisable partout. Nacer-Eddine Sadi nous le fait remarquer en ces termes: «La privatisation subit les effets de la diversité de situations dans lesquelles elle intervient. Elle se distingue dans la pratique d'un pays à un autre, voire d'une région à une autre, par son ampleur, par sa nature et l'état des entreprises concernées et par le niveau de développement et les spécificités du contexte dans lequel elle se déroule.» Faute d'une démarche de recherche d'alternative «La privatisation ne serait, affirme-t-il, qu'un dogme imposé à des peuples et ne pourrait être perçue que comme tel.» Cette réflexion est intéressante et mérite attention. Aussi, me plaît-il de recommander la lecture du livre de Nacer-Eddine Sadi pour comprendre l'état actuel de la privatisation en Algérie et pour conjecturer le point d'arrivée et la place de l'économie algérienne dans la mondialisation. Chose qui ne laisse ici personne indifférent. (*) La privatisation des entreprises publiques en Algérie par Nacer-Eddine Sadi, (Préfaces de Jacques Fontanel et de Vincent Plauchu) OPU Alger / Univ. Pierre Mendès France, Grenoble, 2005, 392 p.