Des arômes sont détournés. Trois jeunes sont inculpés et risquent gros, à moins que... Abd-Nasser Djouadi, le juge de Bir-Mourad-Raïs, a eu quelques difficultés à maîtriser les débats d'un dossier de vol de matières premières d'arômes servant à la fabrication de produits alimentaires. Billel et Mohammed sont deux employés chargés de transformer des arômes dans des bidons et ce, dans des conditions d'hygiène irréprochables. Le troisième inculpé est, lui, inquiet. Khanoufi, le DG de l'entreprise, avait découvert le potaux roses à la suite d'une «rencontre» fortuite de son produit qui se baladait sous une fausse-vraie étiquette de la boîte. Me Karim Khamkhoum, l'avocat de la partie civile a mené la vie dure aux deux inculpés et a réussi le tour de force de faire sortir de ses gongs, son jeune confrère, Me Bouzid Taouil, constitué dans ce dossier. Messaoud Abdnouch, le PR, est longuement revenu sur les faits qu'il estime graves, surtout que le troisième inculpé a été confondu par les nombreux appels de Billel. «Attention, le patron se doute de quelque chose. On ne te connaît pas et tu ne nous connaîs pas», a crié Me Khemkhoum qui a réclamé de forts dommages et intérêts, laissant le volet pénal au PR, qui a requis une peine de dix-huit mois ferme et une amende salée. Me Bouzid Taouil a balancé du revers de la main en rétorquant à son jeune confrère que ce dossier ne contient aucun élément constitutif qui mène à l'inculpation. «Alors, lorsqu'on exige du tribunal la requalification du délit en crime, c'est aller un peu vite en besogne». Puis l'avocat évoque les contradictions avant de s'en prendre au boss de la Sarl : «Ramenez au tribunal les preuves qui peuvent envoyer mes clients en taule», lançant avec beaucoup de persuasion le conseil, et ne demandant que la relaxe et à la limite, la relaxe au bénéfice du doute. Il est vrai que le patron de l'entreprise avait répondu avec promptitude aux questions du juge qui a tout fait pour maintenir le cap des débats: «Nous sommes ici pour appliquer la loi. Celui qui n'est pas ok avec les termes du code de procédure pénale se détermine et nous prendrons nos responsabilités», s'est écrié Djouadi, bien épaulé par le PR qui a fait preuve de beaucoup de vigilance, surtout lorsqu'il a fait les yeux de poisson au moment où Me Taouil avait regretté l'absence d'expertise et reproché même au représentant du ministère public son manque de perspicacité lorsqu'il s'est amusé à demander au tribunal l'incompétence de ce dossier et de le criminaliser. «Vous parlez d'association de malfaiteurs ? La belle affaire ! Ces deux jeunes employés étaient payés pour jouer aux laborantins, mélanger et sentir les arômes. Ils n'avaient aucune envie de perdre un emploi propre et stable», a encore ajouté le jeune défenseur, fort du fait qu'aucun témoin dans la salle d'audience n'ait désigné ni vu les inculpés détourner quoi que ce soit. Me Khamkhoum, lui, s'est accroché longtemps aux appels téléphoniques entre deux inculpés à une date précise. La victime, elle, francophone, n'a pas réussi à bien s'expliquer du fait que les questions étaient posées en langue nationale. Heureusement pour lui, son conseil était là pour redresser ce qui pouvait l'être devant un Djouadi, qui aura veillé au grain pour chaque partie, donne, en toute liberté, sa version des faits. La mise en examen de l'affaire terminée, le juge inflige une peine de prison ferme d'un an. L'appel est plus que jamais d'actualité.