Les évènements de ces dernières quarante-huit heures sont à la fois déplorables et lourds de menaces pour le peuple libyen, mais pas seulement. Ils risquent, si on n'y prend garde, d'hypothéquer la stabilité et la sécurité de l'ensemble de la sous-région... Avant que ne tombe la triste nouvelle de l'attaque menée par la 3ème force, une des puissantes milices de Mesrata qui soutiennent le gouvernement d'union nationale conduit par Fayez al Serraj, contre la base de Brak al Chati dans le sud du pays, nous avions appris qu'une nouvelle rencontre prévue entre le président du GNA et le maréchal Khalifa Haftar au Caire avait été empêchée par les milices de Fadjr Libya, de retour dans la capitale. Son objectif? Concrétiser la feuille de route discutée sous les auspices des Emirats arabes unis et de l'Egypte, le 2 mai dernier, que les milices islamistes rejettent en menaçant de retirer leur soutien au GNA et à Al Serraj. Conjugué à l'attaque elle-même qui a fait 141 morts dans les rangs de l'armée du maréchal Haftar, un attentat dans une mosquée, à l'heure de la prière hebdomadaire, avait également causé la mort d'un chef de la tribu Al Awaguir, Cheikh Ibrayek Al Ouati, allié des autorités de l'est, dans la localité de Suluk, proche de Benghazi, ainsi que de 5 autres civils dont un enfant. Autant de faits inquiétants qui mettent en danger le processus du dialogue inclusif si ardemment défendu par l'Algérie, par le Groupe des pays voisins et par la communauté internationale tout entière. Cette dernière n'a pas adhéré comme par enchantement à ce processus, tant il a fallu que la diplomatie algérienne, d'une part, et Abdelkader Messahel directement impliqué dans ce dossier, d'autre part, déploient des trésors d'arguments et de procédures étayées pour convaincre l'ensemble des pays concernés par le dossier libyen. Comme aussi, il a fallu consentir un travail de longue haleine, rendu difficile par la volonté constante de rester à équidistance de tous les protagonistes afin d'avoir une démarché crédible, pour réunir autour de la table des discussions l'ensemble des protagonistes. Sauf qu'il y a la diplomatie et il y a les réalités du terrain, parfois imprévisibles comme on a pu le constater ces jours-ci. Les évènements de ces dernières quarante-huit heures sont à la fois déplorables et lourds de menaces pour le peuple libyen, mais pas seulement. Ils risquent, si on n'y prend garde, d'hypothéquer la stabilité et la sécurité de l'ensemble de la sous-région et c'est précisément ce que recherchent certains groupes qui ont besoin d'une situation tourmentée pour se livrer à tous les trafics et construire parallèlement leur stratégie terroriste. C'est pourquoi les responsables libyens, qu'ils soient de Tripoli ou de Tobrouk, notamment, doivent raison garder et éviter coûte que coûte de se saisir de ce prétexte pour permettre un nouveau bain de sang. Le peuple libyen a déjà payé le prix de ces errances et de ces ambitions à courte vue et il ne pardonnera sûrement pas à des aventuriers d'ouvrir la voie à une autre phase de souffrances et de privations. Au moment où le Groupe des pays voisins s'efforce d'avancer vers la paix et la réconciliation, au moment où l'Algérie redouble d'efforts pour faire émerger la Libye de la longue nuit dans laquelle l'ont plongée les interventions militaires de puissances étrangères, voilà que des mains s'agitent dans l'ombre pour saper le mécanisme du dialogue inclusif et fomenter des divisions au nom d'intérêts claniques et de rivalités bédouines dont le peuple libyen n'a que faire, en réalité. Tout commande que tout soit fait pour éviter au peuple libyen de revivre une nouvelle spirale de la violence. L'Algérie, à l'instar des pays voisins avec lesquels elle travaille depuis près de deux ans afin de progresser vers la réconciliation et la restauration de la paix dans une Libye assurée de sa sécurité, de son intégrité et de sa souveraineté, ne peut que condamner cette dégradation de la situation qui vise à torpiller les progrès et les promesses enregistrés dans le cadre de la médiation onusienne, notamment. Même s'ils cherchent toujours à arracher le pouvoir total en Libye, les Frères musulmans et les partis qui s'y rattachent doivent comprendre qu'ils scient en fait la branche sur laquelle ils sont assis et que l'exclusion n'est pas la voie de la raison -mais de l'échec. S'y ajoute la tactique des résidus de Daesh et des autres extrémistes comme al Qaïda qui n'ont qu'un seul et même ennemi, l'Etat quel qu'il soit, auquel ils préfèrent le chaos. Ne vaut-il pas mieux un accord sans exclusive quand bien même insatisfaisant ou frustrant plutôt qu'une guerre civile dont ni le pays ni le peuple ne parviendront à se relever? Les interférences nombreuses et les calculs sordides devraient suffire pour comprendre que la discorde et les conflits d'intérêts sont des facteurs qui compliquent et non pas qui impulsent le dialogue inclusif dont a cruellement besoin, faut-il le rappeler, le peuple libyen pris en otage...