La guerre contre l'Irak et le durcissement judiciaire ont été fatals pour l'Angleterre. La question revient tel un leitmotiv: pourquoi les terroristes ont-ils visé Londres? La question ne s'est pas posée, elle s'est imposée. En Grande-Bretagne, les islamistes les plus radicaux bénéficiaient d'un cadre juridique plus protecteur que sur le continent européen. Un réfugié peut exercer des activités politiques sans risquer d'être expulsé. Les procédures d'extradition sont très longues. Les experts sont allés jusqu'à évoquer une forme d'accord tacite entre les autorités britanniques et les groupes religieux. Le Royaume s'est même fait octroyer un néologisme significatif le «Londonistan». Qu'est-ce qui a donc subitement changé pour que les activités passent à une étape sanglante après avoir recruté et rassemblé des fonds en toute quiétude au sein du «Londonistan»? Les attentats sanglants de Londres annoncent que quelque chose vient de se rompre entre les autorités britanniques et les groupes religieux implantés en Angleterre. Le deal tacite entre les deux acteurs n'est plus de rigueur. Selon les experts, plusieurs raisons peuvent expliquer le choix des radicalistes à perpétrer des attentats en terre britannique. A commencer par le soutien exclusif et inconditionnel des Anglais ou Américains dans les deux guerres d'Afghanistan et d'Irak. Le gouvernement Blair a montré dans sa politique étrangère une volonté plus grande de s'aligner sur la politique américaine, notamment en Irak. Il faut se rappeler qu'au sommet des Açores en 2003, on voyait surtout Tony Blair, George W.Bush et José Maria Aznar, qui étaient «l'alliance des trois» par rapport aux opérations militaires qui allaient être déclenchées en Irak. Les bavures accumulées par les soldats américains et britanniques en Irak ont déclenché les foudres des islamistes. «Le temps est venu de se venger du gouvernement croisé et sioniste britannique.» C'est ainsi qu'une certaine «Organisation secrète du Djihad d'Al Qaîda en Europe» a revendiqué les attentats dans les transports publics londoniens sur un site Internet. De son côté, la confrérie des Frères musulmans, tout en qualifiant ces attentats «d'acte criminel contraire à l'islam», a rendu la Grande-Bretagne et les Etats-Unis responsables du règne de «la loi de la jungle». Il est établi que l'action terroriste prend prétexte des frustrations naissant de conflits non résolus, comme l'Irak, l'Afghanistan, la Palestine, le Cachemire... En plus de l'implication dans la guerre d'Irak, la politique répressive envers les islamistes adoptée par les autorités britanniques a également changé la donne. Londres semble avoir payé son durcissement judiciaire envers les islamistes radicaux. Les autorités ont adopté, au lendemain des attentats du 11 Septembre, une loi antiterroriste qui vaut à plusieurs chefs religieux d'être actuellement sous les verrous. En tout, quatorze chefs terroristes présumés sont actuellement incarcérés en Grande-Bretagne dont Abou Hamza, l'une des figures emblématiques du Londonistan, arrêté en 2004. Cette intransigeance a été fatale pour le Royaume. Elle a provoqué des passages à la clandestinité et de ce fait, compliqué la surveillance policière. Selon un rapport du ministère britannique de l'Intérieur publié en 2004, sur une population de 1,6 million d'individus, entre 10.000 et 15.000 musulmans britanniques soutiennent Al Qaîda. Ainsi, l'Angleterre paie vingt ans d'erreurs de ses gouvernements successifs, qui ont permis à des dizaines de groupes islamistes de s'y installer et d'avoir leurs quartiers généraux en plein coeur de Londres. Les autorités pensaient amadouer les islamistes et les surveiller. Rien n'y fit et l'Angleterre passe d'un statut de cible secondaire à celui de cible prioritaire.