Ratko Mladic, le chef militaire des Serbes de Bosnie a été condamné hier par le tribunal de La Haye à la prison à perpétuité, clôturant une phase dramatique de l'ex-Yougoslavie Surnommé le «Boucher des Balkans», l'ancien chef militaire des Serbes de Bosnie, Ratko Mladic, a été condamné hier à la perpétuité par la justice internationale pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre. «Pour avoir commis ces crimes, la chambre condamne M. Ratko Mladic à la prison à vie», a déclaré le juge du tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie (Tpiy) Alphons Orie en l'absence de l'accusé, évacué de la salle peu avant pour avoir traité ses juges de «menteurs». «Les crimes commis se classent parmi les plus haineux connus du genre humain», a martelé le magistrat, considérant que les circonstances atténuantes évoquées par la défense, dont sa capacité mentale affaiblie, «avaient peu ou pas de poids» dans le jugement. Son fils a annoncé que l'ancien chef militaire des Serbes de Bosnie allait faire appel de ce jugement. Plus de vingt ans après la guerre (1992-1995) qui a fait plus de 100 000 morts et 2,2 millions de déplacés, l'homme de 74 ans a été reconnu coupable de dix chefs d'accusation, dont le génocide de l'enclave de Srebrenica où 8.000 hommes et garçons musulmans ont été tués. Il a été acquitté de l'accusation de génocide dans plusieurs municipalités. A l'extérieur du tribunal, tout comme à 1.800 kilomètres de là, à Srebrenica (nord-est de la Bosnie), des femmes qui ont perdu leurs époux, leurs fils, leurs proches, pleuraient et se serraient dans les bras. Créé en 1993 pour juger les personnes présumées responsables de crimes de guerre durant les conflits des Balkans, le Tpiy a connu hier «une étape importante dans (son) histoire et pour la justice internationale» avant de fermer définitivement ses portes le 31 décembre, a déclaré le procureur Serge Brammertz dans le hall du tribunal. Mais pour le fils de l'accusé, Darko Mladic, «cette peine est injuste et contraire aux faits, et nous la combattrons en appel pour prouver que ce jugement est faux», a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse, après l'énoncé du verdict. «Aujourd'hui, la justice a été remplacée par de la propagande de guerre», a-t-il affirmé. Quelques instants avant sa condamnation, Ratko Mladic a été évacué de la salle d'audience du TPIY sur ordre du juge, après s'être levé et avoir crié aux juges qu'ils mentaient. Le juge Alphons Orie venait de refuser d'accéder à la demande de ses avocats d'interrompre les procédures en raison de sa tension artérielle trop élevée. Depuis des jours, la défense tentait en vain d'obtenir un report de ce verdict historique. «Ils mentent. Vous mentez. Je ne me sens pas bien», a crié Ratko Mladic avant d'être installé dans une pièce adjacente pour écouter la suite du jugement. Déjà, à son arrivée dans la salle d'audience, le «Boucher des Balkans» avait levé un pouce et refusé de saluer les juges. Une attitude qualifiée de «lâche» et «lamentable» par Kelima Datovic, qui a connu la faim et le froid dans un camp au nord-ouest de la Bosnie en 1992 où elle a été détenue à l'âge de 28 ans, enceinte et avec sa fille de six ans. Ratko Mladic, costume bleu et cravate rouge carmin satinée, «a montré», selon elle, «un jeu d'acteur médiocre et pathétique». Salué par la communauté internationale, ce jugement vient fermer un chapitre des conflits en ex-Yougoslavie, une région toujours fracturée après les pires crimes commis en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. A Belgrade, le président serbe Aleksandar Vucic a appelé «à regarder vers l'avenir, à penser à nos enfants, à la paix, à la stabilité dans la région». «La Serbie a toujours respecté les victimes des autres nations, je ne suis pas sûr que les autres ont fait preuve de ce respect envers les victimes serbes. Cela sera notre travail avec nos compatriotes (serbes) dans la région», a déclaré Aleksandar Vucic. «Mladic est la quintessence du mal», a estimé pour sa part le Haut-Commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, Zeid Ra'ad Al Hussein, qui appartenait à la Force de protection de l'ONU dans l'ex-Yougoslavie entre 1994 et 1996. «Ce verdict est un avertissement aux auteurs de tels crimes qu'ils n'échapperont pas à la justice, aussi puissants soient-ils, et quel que soit le temps qu'il faudra», a-t-il poursuivi. Inculpé en 1995, Ratko Mladic a été arrêté chez un cousin après une cavale de 16 ans et transféré à La Haye. Son procès aura duré cinq ans, 523 jours.