Devant la conférence sur la sécurité de Munich, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a assuré que la multiplication des conflits a aggravé l'insécurité Paris et Berlin ont vanté vendredi soir la relance du projet de défense européenne dont ils sont les moteurs, un message destiné à des Etats-Unis inquiets d'une perte d'influence en Europe. Lors d'une conférence annuelle sur la sécurité à Munich, l'Allemagne a également critiqué la priorité accordée par Washington à ses dépenses militaires au détriment de la diplomatie. «Notre alliance avec les Etats-Unis et son expression qu'est l'Otan sont indispensables», a commenté la ministre française des Armées, Florence Parly. Mais «lorsque nous serons menacés dans notre voisinage immédiat, au Sud notamment, nous devrons être capables de faire face, y compris lorsque les Etats-Unis ou l'Alliance (Atlantique, ndr) souhaiteront être moins impliqués», a-t-elle ajouté alors que Washington focalise son attention sur la compétition entre grandes puissances, notamment la Russie et la Chine. «Pour cela, il faudra que nous ayons notre autonomie stratégique (...) sans obliger les Etats-Unis à venir à notre chevet», a-t-elle plaidé, au lendemain d'une réunion de l'Otan marquée par la défiance américaine à l'égard des ambitions sécuritaires européennes. L'UE a lancé en décembre dernier une coopération structurée permanente dans les domaines de la sécurité et de la défense (CSP, ou PESCO en anglais). L'accord, signé par 25 membres de l'UE, doit leur permettre de développer conjointement des capacités de défense et d'investir dans des projets communs. Le président Emmanuel Macron, qui s'est engagé à porter à 2% du PIB l'effort de défense français d'ici 2025, propose en outre de créer une force commune d'intervention européenne, capable d'agir hors des structures existantes de l'Otan ou de l'UE. Cette Initiative européenne d'intervention (IEI) serait «un moyen pour les Européens de prendre davantage leur part du fardeau», a plaidé Mme Parly, en qualifiant de «faux débat» le fait d'«opposer l'UE à l'Otan». Mais les Etats-Unis craignent que certaines des initiatives européennes n'aboutissent à priver l'Otan de ressources, ou se traduisent par des mesures protectionnistes dont pâtirait leur industrie de défense. Vendredi, la représentante de la diplomatie européenne Federica Mogherini a toutefois opposé une fin de non recevoir à la demande américaine de mentionner par écrit dans l'accord sur l'initiative européenne de défense le rôle exclusif de l'Otan pour la défense collective. «Nous voulons rester transatlantiques et en même temps devenir plus européens», a insisté à Munich la ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leyen. Le projet d'Europe de la défense, qui «dormait depuis plus de dix ans», a finalement accéléré sous le coup du Brexit, de la crise migratoire et de l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, a-t-elle expliqué. «Tout ceci a été le +wake up call+ dont nous avions besoin pour comprendre que nous devions changer quelque chose et nous tenir sur nos propres jambes», a-t-elle souligné. Le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, a lui répété, vendredi, que la relance de l'Europe de la défense ne devait pas empiéter sur les prérogatives de l'Alliance. «Nous saluons ces efforts du moment qu'ils ne concurrencent pas, mais complètent les efforts de l'Otan», a-t-il souligné. «Après le Brexit, 80% des fonds de l'Otan proviendront d'alliés non-européens. L'UE ne peut pas protéger l'Europe par elle-même, cela doit être un effort transatlantique», a-t-il tranché. Régulièrement critiquée pour son niveau de dépenses militaires, bien en dessous du seuil de 2% du PIB demandé aux pays membres de l'Otan, l'Allemagne a quant à elle lancé une pique à Washington en l'accusant de négliger la diplomatie au profit de réponses militaires. «Nous constatons avec inquiétude que certains partenaires coupent les moyens alloués à leur diplomatie, à la coopération en matière de développement ou aux Nations unies», a déploré Mme von der Leyen, estimant que «nos amis américains ont des obligations très importantes au-delà du militaire». L'administration Trump a dévoilé lundi dernier sa proposition de budget 2019, qui confirme sa volonté de doper de 10% les dépenses militaires, à 686 milliards de dollars, tout en réduisant les dotations du département d'Etat.