La Nekba mobilise des milliers de Palestiniens La cause palestinienne n'est plus la cause des Arabes ou des musulmans, mais celle des femmes et hommes libres et justes au-delà des identités et des confessions. Les dés sont jetés et les jeux sont faits. Désormais, invoquer la nation arabe ou la nation musulmane c'est faire dans la spéculation et dans la mythologie si ce n'est un recours à la démagogie. Depuis le début de ce qui est appelé abusivement «Printemps arabes», les regards de la communauté internationale sont détournés de la plus vieille cause d'indépendance nationale et de décolonisation qui traîne depuis 1948, lorsque la naissance au forceps de l'Etat d'Israël a contraint des millions de Palestinien à l'exil, date de la première Nekba. Depuis 70 ans, aucun Etat, y compris les Etats-Unis, qui reconnaît Israël, n'a osé transférer son ambassade à El Qods, objet de litige entre Palestiniens et Israéliens. Lundi dernier, 14 mai, a été la date de la seconde Nekba palestinienne, puisque l'Administration américaine a estimé, au-delà du caractère imprévisible de Trump, qu'il était le moment idoine pour ce geste symbolique qu'est l'inauguration de l'ambassade des Etats-Unis à El Qods. Alors pourquoi c'est le moment idoine? La question palestinienne est loin de son âge d'or des années soixante-dix et quatre-vingt, lorsqu'elle bénéficiait, en dépit des tentatives de domestication et de clientélisation, d'un soutien réel dans tout l'espace du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, appelé pompeusement «Monde arabe» et lorsque la résistance palestinienne, en dépit de son pluralisme politique et idéologique, observait scrupuleusement son union sacrée incarnée par l'OLP. A cette glorieuse époque, le pays arabe qui sortait des rangs, à l'image de l'Egypte de Sadate, était qualifié publiquement de traître et l'ensemble des pays membres de la Ligue arabe, le mettait en quarantaine. Lorsqu'en septembre 1978, Sadate a décidé de rompre le consensus arabe et de signer les accords de Camp David, reconnaissant Israël, les pays arabes phares, notamment l'Algérie, la Syrie, le Soudan, l'Arabie saoudite, l'Irak..., se sont regroupés au sein du Front du refus qui s'opposait à la normalisation avant la reconnaissance des droits nationaux palestiniens, l'avènement de l'Etat palestinien sur les territoires occupés en juin 1967 avec El Qods comme capitale et le retour des réfugiés. L'Egypte a été exclue de facto de la Ligue arabe dont le siège a été transféré à Tunis. Si en apparence, les chefs d'Etat arabes montrent une unité des rangs à travers les communiqués finaux de leurs conclaves houleux, il n'en demeure pas moins que les divergences stratégiques qui minaient les pays arabes sont motivées par les divergences d'intérêts économiques et politiques qui les ont toujours caractérisés. La grande déchirure dans ce corps en apparence «soudé par l'histoire, la langue, la religion et le destin commun» slogan naguère ressassé par les officiels arabes, a été incontestablement la première guerre du Golfe en 1990, qui a vu des pays arabes soutenir militairement et logistiquement l'invasion américaine contre l'Irak. Depuis cette date, le corps arabe s'est atomisé et n'a jamais pu se reconstituer. La chute du mur de Berlin a finalement mis à nu les politiques arabes qui n'étaient nullement mues par des principes cardinaux, mais assujetties à des intérêts nationaux qui changent en fonction des circonstances et des alliances conjoncturelles. Depuis l'avènement de la République islamique d'Iran, les pays du Golfe ont commencé à développer une paranoïa vis-à-vis de la chiaâ au point de pousser le pouvoir sunnite irakien à déclarer une guerre meurtrière de huit ans contre l'Iran. Pour parer à ce «risque», l'Arabie saoudite à mis le paquet sur l'exportation à coups de milliards de dollars, de la doctrine wahhabite partout dans le monde tout en adoptant une stratégie d'alliance avec l'Occident dans l'espoir d'isoler davantage la République des mollahs. La montée de l'islamisme a grandement affaibli l'idéologie panarabiste qu'elle soit nassérienne, baäthiste ou même dans son expression la plus atavique. L'éclatement du Bloc de l'Est a annoncé le début du recul des courants progressistes et de gauche au profit de courants intégristes, fascisants, chauvins et nationalistes y compris dans l'espace Mena où les rivalités nationales et confessionnelles allaient saper les fondements d'une solidarité régionale face à l'offensive impérialiste à travers le Grand Moyen-Orient qui allait déboucher sur les «printemps arabes» et face à l'entité sioniste qui allait redoubler de férocité lorsque des pays arabes se sont empressés à reconnaître Israël sans aucune garantie pour les droits nationaux palestiniens. Pire que cela. Au nom d'objectifs nationaux et confessionnels, des pays du Golfe allaient adopter des positions anachroniques en soutenant et finançant des mercenaires pour détruire la Syrie et la Libye et mettre à genoux l'Egypte au point d'en faire un pays satellite et de menacer la Tunisie de disparition. Ces mêmes monarchies pétrolières ont déclaré une guerre sans merci contre un Yémen exsangue et font chanter le Liban pour le pousser dans une nouvelle guerre civile, juste pour contrer l'Iran chiite devenu l'ennemi juré alors qu'Israël est courtisé depuis sa guerre contre le Liban en 2006. En d'autres termes, si Washington s'est permis de reconnaître dans les faits, El Qods comme capitale d'Israël, c'est parce qu'il n'y a aucun risque sur les intérêts américains dans les pays arabes où ils sont mieux protégés que nulle part ailleurs. Si El Qods est reconnu comme capitale d'Israël cela signifie qu'au mieux, l'Etat palestinien ne sera qu'un bantoustan, au pire il ne sera jamais parce que les Arabes n'en veulent pas.