L'amoncellement de détritus à tous les coins de rue est une réalité quotidienne. La crise du choléra est peut-être un épiphénomène ou un accident comme il peut en arriver à tout moment, mais elle illustre une absence de responsabilité à tous les étages de la société. Le communiqué rendu public, hier, par le ministère de la Santé a annoncé l'identification du foyer d'où est partie l'épidémie du choléra. Même si les investigations se poursuivent pour couper une bonne fois pour toutes la transmission de la maladie, les épidémiologistes soulignent l'importance de la découverte censée réduire considérablement la progression du choléra. On s'attend, objectivement, à une fin proche de l'épidémie qui aura tout de même fait, jusqu'à, hier, deux morts. Outre la tournure dramatique qu'a pris ce cauchemar de fin d'été, pour des familles algériennes, les conséquences directes sur le comportement de très nombreux citoyens renseignent sur la panique suscitée par l'épidémie. Les réactions, somme toute, exagérées dans pas mal de cas, traduisent un réel problème de crédibilité de la parole officielle en Algérie. Les assurances formulées par des cadres du ministère de la Santé, affirmant l'absence de la bactérie du choléra dans les réseaux d'AEP n'a eu que très peu d'effet sur une bonne partie des Algériens qui se sont jetés sur les packs d'eaux minérales vendus dans le commerce. Courage politique? Toute la marchandise a été consommée en quelques heures seulement. L'attitude des Algériens amène à penser qu'ils accusent leur administration de grave négligence et estiment qu'elle n'est pas digne de confiance. Les quelques responsables de la santé qui s'étaient exprimés dans le but d'informer les citoyens n'ont, en réalité, aucune prérogative sérieuse pour affronter l'opinion nationale. Cette mission relève des politiques qui, dans cette affaire, ont visiblement préféré faire l'autruche en attendant que passe la tempête. Le déficit de communication au niveau de la responsabilité politique a donné l'impression d'une vacuité impossible à combler. Ce n'est pas à des cadres d'un seul ministère, celui de la Santé, que revient l'obligation d'expliquer le comment, le pourquoi et surtout de rassurer la population. Les ministres directement concernés par cette épidémie, et ils sont nombreux, restent présentement derrière le rideau, à observer un début de panique au niveau de la société et un dialogue de sourds entre les Algériens et des hauts cadres du département de la santé. Cette posture ne sert pas les intérêts du gouvernement à quelques jours seulement de la rentrée sociale. Cela renvoie l'image d'une équipe détachée des réalité sociales ou tout au moins très peu réactive, au moment où la population a véritablement besoin de voir «le visage du gouvernement de son pays». Sur cette affaire de choléra, il y a lieu de relever un déficit problématique qu'il sera très difficile à combler, à supposer que l'Exécutif se mette à communiquer dés aujourd'hui. Il faut noter, à ce propos, que même si l'épidémie est sous contrôle, le caractère même de la maladie «le choléra» impose au gouvernement d'afficher une présence soutenue sur le terrain, avec en prime une démarche pédagogique pour amener les citoyens à mieux comprendre la situation. D'autant que la source de l'infection et la nature de sa propagation et son ampleur démontrent que ce qui est arrivé entre Blida, Alger, Tipasa et Bouira n'engage en rien la responsabilité directe de l'Exécutif. L'eau acheminée jusqu'au robinet du citoyen est potable, le système de prise en charge sanitaire a montré une efficacité appréciable, avec un taux de mortalité minimum et une réelle maîtrise de l'épidémie. L'annonce de la déclaration du choléra relève du courage politique. Il fallait donc qu'un politique s'exprime pour accompagner la démarche et donner au gouvernement l'opportunité de faire face au déferlement des médias étrangers, dont certains n'ont pas attendu pour jeter l'huile sur le feu et donner une image déformée du pays. Le constat que l'on fait de l'attitude de la sphère décisionnelle vis-à-vis de l'épidémie de choléra est plutôt quasi-démissionnaire, au plan de la réponse politique, quand bien même les instances sanitaires ont fait montre d'un professionnalisme soulignant leur efficacité sur le terrain. Cette erreur sera-t-elle réparée aujourd'hui? La question mérite d'être posée, lorsqu'on apprend qu'un Conseil de gouvernement se tiendra avec au menu l'épidémie du choléra. TSA qui rapporte cette information, note que la réunion de l'Exécutif n'est pas spécifiquement dédiée à l'épidémie. Il s'agirait de la rentrée gouvernementale après les vacances estivales. On annonce, à ce propos, l'étude de l'avant-projet de loi de finances 2019. Le Conseil du gouvernement aura certainement quelques mots pour le choléra, mais ils n'auront certainement pas l'impact qu'il faut auprès de l'opinion nationale. Celle-ci n'omettra pas de marquer le coup à l'Exécutif, l'accusant de désintérêt de la chose sociale. Un «blâme» qui n'aidera pas le gouvernement dans ses actions futures. Cela dit-il est évident que cette «éclipse» engage la responsabilité du pouvoir politique dans la gestion d'un important épisode de la vie de la société, mais n'exempte pas celle-ci de sa responsabilité dans l'affaire du choléra. Il faut dire que la place que réservent les Algériens à leur environnement renseigne sur une forme de démission sociale, révélatrice d'une incapacité «maladive» à imaginer l'appropriation de l'espace public. Sortie de sa maison, l'Algérien n'est plus chez lui. Il ne parvient pas à connecter sa vie à celle des autres. Les citoyens qui ont compris l'importance de la préservation de l'espace commun sont extrêmement minoritaires. On a l'impression que l'Algérien n'est plus chez lui lorsqu'il foule le sol de son quartier. Ce n'est pas une simple impression. Et pour cause, tous les quartiers du pays, sans exception presque, jusqu'aux ensembles immobiliers flambant neufs, n'échappent pas à la logique de la saleté immédiate. Le problème c'est que ce sont les voisins eux-mêmes qui participent à la dégradation de leur environnement. Ils sont malheureusement «aidés» par une administration locale inopérante, incompétente et totalement démissionnaire lorsqu'il s'agit de nettoyage. La société vit à côté de ses propres déchets Dans toutes les villes du pays, à commencer par la capitale, l'amoncellement de détritus à tous les coins de rue est une réalité quotidienne. Celle-ci prend des allures dramatiques dans la quasi-totalité des quartiers. Les Algériens ne savent pas ce que la propreté dans l'espace public veut dire. Les adultes transmettent leurs défauts à leurs progénitures, de sorte à ce qu'on soit dans un véritable cercle vicieux. La résurgence d'autres maladies infectieuses n'est pas du tout exclue. La société vit à côté de ses propres déchets et semble s'en accommoder, risquant ainsi la déclaration de toutes les maladies «honteuses». En fait, la crise du choléra est peut-être un épiphénomène ou un accident, comme il peut en arriver à tout moment, mais elle illustre une absence de responsabilité à tous les étages de la société. Du simple citoyen qui pousse ses enfants à jeter des cannettes de jus sur la voie publique, au responsable politique qui refuse d'admettre que la propreté de l'environnement doit être une priorité nationale, en passant par le maire et le wali qui font montre d'une irresponsabilité condamnable, tous les Algériens sont responsables du retour du choléra qui annonce d'autres catastrophes sanitaires...