Abdelkader Bouazghi, ministre de l'Agriculture ; la ministre de l'Environnement, Fatma Zohra Zerouati Cette maladie qui semble nous revenir d'outre-tombe a fait tomber les masques: les responsables algériens ne sont pas dans la prévention ni dans la vigilance, mais juste dans la réaction tardive et impromptue! La saleté est partout et depuis longtemps. Toutes les villes du pays croulent sous les immondices. Ni ministre ni wali ni maire n'a jugé utile de réagir. Quant au citoyen, qui a, certes, sa part de responsabilité dans la dégradation de l'environnement, ce dernier ne pouvait, à un moment donné, plus rien faire face aux montagnes d'ordures qui se sont accumulées, au fil des mois. Il a fallu qu'il y ait mort d'hommes pour que l'Algérie officielle réagisse. Il a fallu une épidémie de choléra pour que les responsables se réveillent! Cette maladie qui semble nous revenir d'outre-tombe a fait tomber les masques. Les responsables algériens ne sont pas dans la prévention ni dans la vigilance, mais juste dans la réaction. Et quelle réaction? Une réaction tardive et impromptue! Pas besoin de rappeler que le politique n'a pas jugé utile de rassurer les citoyens après la confirmation de l'existence d'une épidémie de choléra dans quatre wilayas du centre du pays, que plusieurs jours après. Mais il est utile de s'arrêter sur une ridicule campagne de nettoyage lancée par la ministre de l'Environnement, Fatma Zohra Zerouati. La ministre, qui a réfuté les accusations portées contre son département, a commencé par faire un reproche aux médias d'utiliser le mot épidémie, inadéquat, selon elle, car il s'agit comme elle le dira de «cas isolés». Une épidémie signifie le développement et la propagation rapide d'une maladie contagieuse, le plus souvent d'origine infectieuse, dans une population. Il faut certes, prendre en considération l'incidence de la maladie pour confirmer l'installation d'une épidémie. En Algérie, quatre wilayas sont concernées, près de 200 cas suspectés, plus d'une soixantaine confirmés et deux morts sont à déplorer. N'est-ce pas suffisant pour comprendre qu'il s'agit bien d'une épidémie? Qu'importe! La ministre a annoncé mardi dernier «le lancement, jeudi (aujourd'hui Ndlr), d'une campagne nationale pour le nettoyage de l'environnement à travers tout le territoire national avec la contribution de plusieurs secteurs et instances concernées, ainsi que des entreprises économiques et des organisations de la société civile». Et il est à se demander, comment peut-on organiser une campagne nationale de nettoyage au pied levé? Peut-on tout coordonner en deux jours? Trois ou même une semaine? Ainsi, en plus que d'être dans la réaction, la ministre de l'Environnement est dans la précipitation qui peut, non seulement, causer l'échec de cette opération, mais pousser le citoyen à ne pas y adhérer en voyant la légèreté de l'initiative. Et la question qui s'impose: pourquoi se lancer dans des actions de nettoyage conjoncturelles? Pourquoi ne pas veiller à longueur d'année à la préservation de l'environnement? Prévoir des sanctions contre les «ennemis» de la salubrité? A toutes ces questions, il y a bien évidemment des réponses de la ministre de l'Environnement, mais avec des engagements à venir. Or, qu'est-ce qui a empêché le ministère de l'Environnement, avec Mme Zerouati et bien avant sa nomination, de s'inscrire dans une politique de sensibilisation, de préservation du cadre de vie et de protection de l'environnement? Pourquoi attendre qu'un drame survienne? Il n'est jamais trop tard pour bien faire, mais il faudrait aussi bien faire. Autre ministre et autre décision saugrenue. Il s'agit de Abdelkader Bouazghi, le ministre de l'Agriculture. Les déclarations de ce dernier sont surprenantes à plus d'un titre. En réaction à des vidéos montrant l'utilisation par certains agriculteurs d'eaux usées pour l'irrigation, le ministre annonce des mesures radicales. Il affirme que les agriculteurs exploitant les terres agricoles relevant du domaine public qui ne respectent pas les conditions requises seront dépossédés de leurs terres. Pour ce qui est des privés, le ministre affirme qu'ils seront poursuivis en justice et leurs cultures, détruites. Il semble bien que ce membre du gouvernement cherche un coup d'éclat en faisant de telles déclarations ou ignore que le pays est régi par des lois! Car, pour déposséder des agriculteurs de leurs terres, il faut logiquement voir ce qu'a concédé la réglementation comme droits aux attributaires à qui, faut-il le rappeler, l'Etat délivre des titres reconnaissant le droit d'exploiter sur les terres publiques. Lorsqu'il s'agit d'exploitants privés, ces derniers sont protégés par la loi 87-19 qui avait, rappelons-le, accordé un droit de jouissance perpétuelle. Pour revenir au ministre de l'Agriculture, ce dernier s'est permis d'assurer que «les fruits et légumes ne peuvent être un vecteur de propagation de l'épidémie du choléra». Et pourtant! C'est le docteur Djamel Fourar, directeur général de la prévention au ministère de la Santé, qui a déclaré que «l'hypothèse privilégiée actuellement est une contamination par des légumes ou des fruits mal lavés».