Près de 247 émigrants africains ont été laissés hier par les autorités marocaines dans une zone désertique à la frontière avec l'Algérie, après une halte à Guelmim (700 km au sud-est de Rabat). C'est là le dernier épisode du feuilleton des immigrés clandestins qui sont pourchassés par les polices espagnole et marocaine. La brutalité des actions menées par Madrid et Rabat, amène à penser que les deux capitales veulent frapper les esprits pour enlever toute idée d'Eldorado aux dizaines de milliers d'Africains qui vivent de l'espoir d'une traversée de la Méditerranée. La situation des centaines d'Africains aux frontières hispano-marocains et dans le sud marocain prend des proportions dramatiques et interpelle les autorités politiques de tous les pays de la région, concernées de près par le phénomène de l'immigration clandestine. Marocains et Espagnols, sans doute effrayés par les assauts «organisés» par les clandestins sur les barrières séparant les enclaves de Cueta et Melilla, ont sorti les grands moyens. Une démarche qui a provoqué un véritable séisme politique dont les effets dépasseront largement le contexte strictement bilatéral de la «charge policière» maroco-espagnole lancée contre des milliers d'Africains. L'Algérie qui suit «avec une vive préoccupation» l'évolution de la situation est également impliquée du seul fait qu'elle constitue une zone de passage pour les candidats africains à l'immigration en Europe. «Les développements dramatiques que vivent depuis des semaines des centaines de ressortissants de pays frères d'Afrique subsaharienne en situation irrégulière», comme le souligne une source proche du ministère des Affaires étrangères, ne peuvent en aucun cas laisser indifférent un pays partie-prenante de cette tragédie humaine qui se joue actuellement dans le grand sud. En effet, le traitement par trop «policier» du problème par Rabat et Madrid, a tendance à créer une tension dans la région du Maghreb, actuellement premier réceptacle des immigrants clandestins. La tension est d'ailleurs bien là, puisqu'on enregistre, pour la première fois, des morts par balle, ce qui en soit, constitue un sérieux motif d'inquiétude pour la stabilité de toute la région. «Ce phénomène chronique qui a pris des proportions tragiques par la mort de plusieurs personnes», souligne à juste titre, la source ministérielle qui estime que la mort violente de jeunes africains «interpelle l'ensemble des Etats et organisations internationales concernés par les drames humains posés par l'immigration clandestine». Face à ce drame dont les conséquences sont encore insoupçonnables, l'Algérie préconise «une coopération internationale efficace pour dégager des solutions satisfaisantes aussi bien pour les pays d'origine et les pays de transit que pour les pays d'accueil, dans le respect de la dignité humaine et des valeurs morales partagées par l'ensemble de la communauté mondiale». Il se trouve malheureusement que le voeu de l'Algérie n'est pas prêt à être pris au sérieux par les Etats concernés par ce phénomène. Pour l'heure, le groupe des 5+5, seul cadre habilité à gérer politiquement cette question, a montré ses limites. Et c'est en l'absence d'un consensus entre les différents Etats touchés, d'une manière ou d'une autre par le phénomène, que les policiers marocains et espagnols ont tiré à balles réelles.