Les pourparlers sans précédent initiés mardi entre des représentants talibans et des opposants au gouvernement afghan ont repris hier à Moscou, évinçant une nouvelle fois les autorités de Kaboul. Quelque 80 membres de partis politiques et de la société civile afghane, rassemblés derrière la figure tutélaire de l'ex-président Hamid Karzaï, se trouvent pour une deuxième journée consécutive dans la capitale russe pour des échanges avec une dizaine de représentants talibans sur les conditions préalables à un accord de paix après plus de 17 années de guerre. Ce dialogue se tient en l'absence de représentants du gouvernement du président Ashraf Ghani, qui n'y ont pas été conviés en dépit d'appels répétés de M. Ghani à négocier ces derniers mois. Mardi, ces hauts représentants talibans étaient apparus pour la première fois devant les médias, montrant au monde des visages jusqu'alors cachés. Les tractations qu'ils mènent en parallèle avec les Etats-Unis, dont la dernière session s'est tenue fin janvier à Doha, s'étaient déroulées derrière des portes closes. Dans un long discours, le chef du bureau politique taliban situé au Qatar, Sher Mohammad Abbas Stanikzai, a expliqué quel pouvoir les talibans comptaient exercer si un accord de paix était signé. Assurant d'abord que les insurgés «ne veulent pas le monopole du pouvoir mais un système islamique inclusif», il a égrené certaines conditions parmi lesquelles une nouvelle «constitution islamique» pour l'Afghanistan, en remplacement de l'actuelle qualifiée de «vague et contradictoire». Lors d'un point presse commun mardi, Hamid Karzaï s'est déclaré «très impatient de trouver une solution pour la paix». M. Stanikzai s'est lui félicité de rencontres «très fructueuses» dans «une bonne atmosphère» avec de «bons échanges de points de vue». Visiblement excédé par cette initiative de ses opposants politiques, le président Ghani a de son côté qualifié ces pourparlers de «fantaisistes». «A qui parlent-ils? Où est leur pouvoir exécutif?», s'est-il exclamé mardi soir dans un entretien sur la télévision afghane. Le président afghan a reçu le soutien de son partenaire américain lors d'un entretien avec le secrétaire d'Etat Mike Pompeo qui a «souligné l'importance cruciale d'assurer le rôle central du gouvernement afghan dans le processus de paix». «Nous avons tous deux convenu que les mots, les rumeurs et les spéculations ne peuvent pas remplacer les actes et que notre partenariat et notre engagement resteront forts pour parvenir à la paix», a tweeté M. Ghani. Lors de son allocution devant le Congrès sur l'état de l'Union, mardi à Washington, le président américain Donald Trump a pour sa part qualifié les discussions avec les talibans de «constructives». «Nous ne savons pas si nous trouverons ou non un accord, mais nous savons qu'après deux décennies de guerre, l'heure est venue d'essayer au moins de faire la paix», a-t-il dit. M.Trump avait fait part fin décembre de son souhait de retirer la moitié des 14.000 troupes américaines d'Afghanistan. L'émissaire américain pour la paix Zalmay Khalilzad avait indiqué qu'une «ébauche d'accord» avait été obtenue à Doha mais averti qu'il restait «encore du travail à accomplir.»