Les réformes sont bien en panne, dans un silence assourdissant. Le gouvernement expédie les affaires courantes. Quoi de plus normal en somme. Mais pour le reste, c'est l'expectative. Le pays vit au rythme de l'attente indéfinie. Et cela concerne quelques dossiers lourds, notamment à caractère politique ou économique. Concernant le premier point, c'est, bien sûr, la réconciliation nationale qui arrive bien en tête. Le peuple s'était mobilisé, une campagne tambour battant avait été menée et un référendum avait été organisé pour plébisciter une telle démarche de réconciliation et de retour à la paix dans le pays. Le «oui» l'avait emporté à plus de 97 pour cent, reflétant l'aspiration à la paix des Algériens, le désir d'un retour à la normale et au rétablissement de la sécurité dans le pays. Depuis le 29 septembre, et bien avant l'hospitalisation du chef de l'Etat au Val-de-Grâce, de nombreuses voix, de tous horizons, se sont inquiétées du retard mis dans la rédaction, et la promulgation de textes d'application pour donner corps à une loi que les Algériens appelaient de leurs voeux. Toujours dans le volet politique, il y a ce dialogue pouvoir-archs, qui avait connu une certaine avancée, et qui, depuis, fait du surplace, pour la mise en oeuvre des dispositions de la plate-forme d'El Kseur. Sur le plan diplomatique, il y a le traité d'amitié Algérie-France, qui marque le pas, ayant été malencontreusement torpillé par la loi du 23 février et son article 4, qui stipule que les programmes scolaires chantent l'éloge du rôle positif de la colonisation, allant à rebrousse-poil de la vérité historique, et au mépris de tout ce qui a été fait depuis l'indépendance, particulièrement ces dernières années par les présidents Bouteflika et Chirac dans le sens d'un rapprochement entre les deux peuples algérien et français. Sans oublier que la France reste, sur le plan commercial, le premier fournisseur de l'Algérie. Sur le plan politique toujours, il est apparemment fait l'impasse sur la signature du pacte économique et social entre les différents partenaires (gouvernement, patronat, centrale syndicale). On voit même que les réunions de la tripartite sont reportées sine die, dans un silence assourdissant. D'autres aspects de la vie nationale, cette fois sur le plan économique, sont occultés ou connaissent un retard inexplicable, voire préjudiciable, comme la réforme bancaire et financière, ou le processus des privatisations. Après tous les beaux discours qui ont été faits depuis au moins cinq ans sur ces questions importantes, on ne comprend pas qu'elles passent à la trappe et tombent dans l'oubli. Sans raison. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, ce n'est pas la maladie et la convalescence du chef de l'Etat qui sont la cause de ces retards ou de ces oublis, mais il apparaît bien à l'opinion que quelque chose ne tourne pas rond. Ne dit-on pas souvent que « qui n'avance pas recule ». C'est un peu ce qui se passe en Algérie. Car, il faut bien le dire, l'hospitalisation du chef de l'Etat est une chose tout à fait normale, notamment de la part d'un homme qui avait un rythme de travail infernal. Elle peut donc avoir bon dos et être l'arbre qui cache la forêt pour tous ceux qui ont un poil à la main et qu'une panne politique et institutionnelle en Algérie arrangerait bien. Ce qu'on peut remarquer en revanche, c'est que les autres institutions de la République ne sont pas rodées ou préparées à remplir leur tâche convenablement: que ce soit le gouvernement, le Parlement, l'Alliance présidentielle, les institutions économiques. Certains n'ont pas hésité à évoquer la vacance du pouvoir pendant l'hospitalisation du chef de l'Etat, en demandant que la Constitution soit révisée afin justement de pallier toute défaillance. Mais là, bien sûr, on entre dans un autre débat, car si modification de la Constitution il y a, l'initiative ne saurait en revenir qu'au président de la République lui-même.