Un pan sensible de notre histoire vient d'être soulevé dans un contexte bien délicat que l'on connaît... En 1960, pendant la guerre d'Algérie, le lieutenant Roque (Vincent Martinez) est posté avec ses hommes dans un village de l'est algérien. Officiellement, son rôle est de convaincre la population algérienne des «bonnes intentions» de la présence française dans le pays mais, en fait, sa mission principale est le démantèlement et la répression. Il assume tant bien que mal sa fonction, tiraillé entre les intérêts d'une population locale et ceux des soldats français. Après la découverte d'un carnet contenant des informations confidentielles, Roque est confronté à la possible trahison de certains de ses hommes, des appelés algériens. Taïeb (Ahmed Berrahma), l'un des protégés de Roque, est soupçonné d'en faire partie... Si l'histoire paraît simple, la trame développée par le réalisateur Philippe Faucon n'en est pas autant. Car écrit par Soraya Nini, Philippe Faucon et Claude Sales d'après le récit autobiographique de ce dernier, le film La Trahison (ex- Le Choix) lève le voile sur un pan de notre histoire lié à la guerre d'Algérie, donc assez sensible, compte tenu du contexte actuel. Avant-hier a eu lieu l'avant-première mondiale de ce film dont la sortie en France est prévue le 25 janvier prochain. Contrairement au film Douar de femmes de Mohamed Chouikh qui a drainé un monde fou, ce dernier n'a pas fait salle comble et a été en outre marqué par l'absence du ministre de la Culture, ayant pourtant soutenu le film. C'est son chef de cabinet Zahia Yahi qui l'a représenté. On se demande d'ailleurs pourquoi ce manquement à l'appel? Moment de retrouvailles en tout cas pour l'équipe du film, Philippe Faucon, qui était accompagné de son staff technique sur scène, n'a pas caché son émotion tout en remerciant tous ceux qui l'ont aidé à réaliser ce film dans la région de Aïn El Hmel et à Boussaâda où s'est déroulé le tournage en octobre 2004. M.Claude Sales présent lui aussi, lors d'un point de presse animé hier à la salle El Mougar, s'est félicité de cette adaptation cinématographique qui raconte ce qu'il a vécu : «J'estime que le film ne trahit en rien le livre. Moi, je n'ai rien vu venir. D'où la stupéfaction que vous voyez et qui est bien rendue dans le film.» Et Philippe Faucon de préciser: «L'histoire est racontée de son point de vue. Celle de ces quatre appelés algériens pris dans cette situation de porte-à-faux face à la société civile. Il était important aussi de la situer face à la situation de ce lieutenant confronté à l'éventuelle trahison de ces appelés.» Le manque de rythme dans le film, le réalisateur l'explique par sa volonté de ne pas avoir voulu mon-trer un film d'action trépidant mais plutôt de désigner des personnes qui se cherchent, qui essayent de comprendre quelles sont les intentions et la place qu'ils occupent dans une situation d'attente et de non-dit, et ce, à travers les présupposés, les regards, les visages qui restent muets. «Cela avait plus d'importance pour moi que les scènes de combat.» L'intérêt du titre, nous souligne-t-on, est dû à la situation dans laquelle se trouvaient ces quatre appelés envers les autres Algériens. Et Claude Sales de révéler: «J'étais chef de section. Les choses évoluent. La guerre n'est pas la même en 1954 ou en 1960. Le film, comme le livre, témoigne de ce passé partagé; avec Taïeb on discutait tous les jours. On parlait de nos vies. On avait lié une relation d'amitié. Plus la guerre avançait, plus les choses devenaient difficiles pour nous». Et de lâcher : «C'est un peu moi qui l'ai mis en situation de trahison. Il y a des moments de guerre qui vous mettent inévitablement dans des positions de trahison. Le basculement a été une évolution lente. Leur choix était vital pour eux.» M.Sales reconnaît ainsi «sa faute involontaire», c'est pourquoi, confie-t-il un peu plus loin, sa «lâcheté» de ne pas avoir cherché ce qu'il en est advenu de ces quatre appelés, notamment ce Taïeb, «je n'ai pas compris cette décision et surtout l'idée du passage à l'acte». Un espoir cela dit à travers ce film ou ce livre c'est qu'ils se manifestent un jour et ce, pour pouvoir de nouveau renouer le «dialogue». Un objectif partagé également par le réalisateur qui souhaite que son film soit perçu comme une brèche de remise à niveau du dialogue, ne serait-ce que pour la réhabilitation de cette mémoire partagée. M.Sales affirmera par ailleurs avoir toujours voulu entretenir une relation humaine basée sur le respect envers la population algérienne. Mais les choses, hélas, ne sont pas si simples. Et Philippe Faucon d'indiquer: «On a été amené à concentrer le film sur cette période de tension. Dans le roman, il y a des flash-back que l'on ne peut décrire dans le film. Mais j'ai fait ce choix de laisser une part de mystère sur ces personnages.» Ce manque d'information sur le parcours ou le passé de ces jeunes appelés est donc voulu par le réalisateur même si, reconnaît-il, avoir eu recours à la suppression de pas mal de séquences lors du montage a pu altérer un peu le cours de l'histoire et ce, dit-il, faute de budget conséquent. Ce dernier, nous apprend-on, est de l'ordre de un million trois cent mille euros. «Les appelés constatent qu'ils sont utilisés et prennent conscience de leur sort. On a tenté de suggérer cette évolution par cette prise de conscience de leur rôle et leur place en l'espace d'un temps très restreint en se penchant, non pas sur leur vécu, mais sur leurs moments d'hésitation, notamment chez Taïeb», dira Faucon, d'où cette notion d'être «sur le fil du rasoir» qui s'affirme comme une qualité intrinsèque au film d'après Sales. A propos de la communauté harkie installée en France, Richard Djoudi, producteur délégué, révèle que les associations qui se disent représentantes, n'ont pas souhaité «participer en amont au travail de ce film». Preuve s'il en est que les choses restent encore compliquées et pas encore clarifiées, 45 ans après. Une nécessité qui s'impose de fait grâce à ce film est de dépoussiérer ce dossier afin d'écrire ensemble cette histoire dans les règles de la transparence. Il est ainsi urgent de le faire a fortiori dans le contexte qui prévaut au jour d'aujourd'hui où la France hésite encore à signer le traité d'amitié, en raison de cette loi du 23 février portant sur le rôle positif du colonialisme. Rappelons, enfin, que La Trahison est une coproduction algéro-franco-belge qui a bénéficié de la collaboration de la société de production Saphina qui a convaincu le réalisateur de tourner le film entier en Algérie.