Plusieurs anciens dossiers en rapport avec la presse ont été rouverts ces derniers jours. Un nombre impressionnant de procès en relation avec les délits de presse ont été soulevés ces derniers temps devant le tribunaux. Les journalistes concernés ont relevé que, dans la plupart des cas, les affaires en cours remontent à très loin. Ils s'interrogent, à juste titre, sur le pourquoi et le comment de ces instructions qui aboutissent tardivement. Le cas le plus saillant concerne Bachir Larabi, du quotidien El Khabar, qui est interné à la prison de Aïn Sefra depuis le 23 janvier dernier. Selon les responsables du journal, «cette affaire remonte au 17 décembre 2003». De quoi s'agit-il au juste ? Le correspondant d'El Khabar à Naâma a écrit un article sur un lot de terrain destiné à une association locale portant dénomination Dar Rahma et qui a été détourné au profit d'un particulier. Les mêmes sources indiquent que leur «journaliste a, en sa possession, le dossier complet concernant les falsifications». Le plaignant a déposé plainte en 2003. L'instruction a mis deux années pour aboutir. Ce qui est énorme au vu des justiciables. Mieux, le journaliste a été jugé par contumace et condamné à un mois de prison ferme en sus d'une amende. Le lendemain, la police est allée le chercher chez lui à El Bayadh. Ils l'ont amené jusqu'à Naâma et l'ont ensuite conduit à la prison de Aïn Sefra. Il a entamé une grève de la faim pendant une semaine. Selon les mêmes sources, «sa famille a dû intervenir pour le contraindre à cesser la grève parce qu'il souffrait des reins. La semaine suivante, il a été évacué à l'hôpital pour soins intensifs. Il a été ensuite reconduit à la prison ». Beaucoup de partis politiques et d'associations de lutte pour la liberté d'expression, des droits de l'Homme (nationales et internationales) ont appelé à sa libération. Les journalistes algériens ont organisé un sit-in à la Maison de la presse Tahar-Djaout pour amener les autorités politiques à se pencher sur son cas et à mettre un terme au harcèlement de la presse. El Khabar est poursuivi pour une autre affaire qui remonte également à 2003. Il s'agit d'un article jugé diffamatoire par le plaignant dont le lien avec la BEA a été établi par la journaliste auteur de l'article. Une autre affaire remonte à 2002 et concerne le président de la Chambre de commerce Seybouse de Annaba. D'autres journaux, beaucoup d'autres, sont appelés ces jours-ci à la barre pour des dossiers anciens dont l'instruction a trop duré. Mais il va sans dire que le journaliste est justiciable comme tout autre citoyen et qu'il ne jouit d'aucune immunité particulière. Néanmoins, on est en droit de s'interroger sur les tenants et aboutissants du nombre impressionnant d'affaires instruites en un temps record, en relation avec les délits de presse. Faut-il rappeler les affaires concernant d'autres titres et d'autres journalistes pour convaincre du bien-fondé de nos appréhensions? On ne le répètera jamais assez. Le journaliste est citoyen parmi les autres. Il a les mêmes droits et les mêmes devoirs. Il dispose cependant de la capacité de nuisance que n'ont pas les autres citoyens. Il peut lever le lièvre et exercer une influence certaine sur le cours des événements, notamment ceux en rapport avec la corruption et les détournements. Il empêche les gens de tourner en rond. Il gêne. Il faut le faire taire par différents moyens. Le recours à la justice en est un.