Les doléances des oubliés des camps du Sud seront transmises au président de la République. Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de la promotion et de la protection des droits de l'Homme (Cncppdh), se réjouit de l'opération d'application des mesures en cours. La commission officielle des droits de l'Homme en Algérie suit attentivement les procédures sans pour autant s'interdire le droit de briser certains tabous. Le cas des internés des camps du Sud en est un. Dans une déclaration faite à L'Expression, Ksentini révèle qu'il va recevoir leurs représentants jeudi prochain. Il les a déjà rencontrés et transmis leurs doléances par voies officieuses ou par le biais des rapports de la commission qu'il préside. Cette fois-ci, il compte aller un peu plus loin, en prenant l'initiative de transmettre leurs doléances, officiellement, au président de la République. «Car rien ne justifie leur internement pendant trois ou quatre ans dans le Sud, sans procès», admet-il, «toutes les autres catégories bénéficieront des indemnisations; je ne vois pas pourquoi ils ne profiteraient pas eux aussi de ces aides. L'ordonnance donne toute la latitude au président de la République d'introduire les oubliés de la réconciliation comme c'est le cas de le dire pour ces derniers. Il n'est pas trop tard pour le faire». Et ce ne sera que justice rendue à des Algériens qui ont subi les conséquences d'une politique désastreuse. En réalité, depuis un certain temps, le sujet n'est plus tabou. Certains parmi les détenus des camps du Sud ont créé une association et pris des initiatives de sensibilisation de l'opinion publique. Lors de la campagne pour le référendum de la Charte pour la paix et la réconciliation, le président du Mouvement de la société pour la paix (MSP), Boudjerra Soltani, a fait état de leurs cas publiquement. C'est dire que l'omerta sur ce dossier sensible est brisée. Mais on continue de les ignorer parce qu'ils rappellent des pans de l'histoire récente qu'on veut cacher ou oublier. En tout cas, l'ordonnance d'application de la Charte les a omis. Sur le registre des libérations, Farouk Ksentini n'exclut aucun détenu politique des mesures d'élargissement garanties par l'ordonnance d'application de la Charte pour la paix et la réconciliation. Il estime qu'il «n'y a pas de cas d'exception, sauf pour ceux spécifiés dans l'ordonnance», à savoir ceux qui ont commis des viols, des assassinats collectifs ou utilisé des explosifs dans des lieux publics. Il n'exclut donc ni Layada ni Benhadj ni El Para, même si ce dernier est entre les mains des services de sécurité et n'a pas encore été jugé. Cependant, il apporte une précision de taille en indiquant: «Il y aura suspension des poursuites pour ceux qui n'ont pas été encore jugés alors que ceux qui l'ont été seront graciés.» Par conséquent rien n'interdit la libération des cas semblables à celui d'El Para. Ksentini estime en outre que le dossier des disparus commence à «évoluer normalement», malgré les réticences de leurs familles. Rappelons que les familles des disparus ont organisé un sit-in, devant le siège de la commission de Ksentini, dès l'entrée en vigueur de l'ordonnance d'application de la Charte pour la paix et la réconciliation, pour protester contre la teneur des textes. Elles considèrent que les autorités ont décidé d'aller au-delà de leurs revendications qui consistent à établir la vérité sur les disparitions avant de procéder à la délivrance des actes de décès et aux indemnisations. Elles veulent faire le deuil avant de tourner définitivement la page. Ce deuil exige certaines vérités, même si elles sont dures à entendre.