Le docteur Bekkat Berkani, membre du Comité scientifique auprès du ministre de la Santé pour le suivi de l'épidémie de Covid-19, affirme dans cet entretien que le nombre de décès dus au coronavirus a augmenté durant la dernière semaine, en raison du non-respect des mesures strictes sanitaires imposées par le gouvernement. Il nous révèle, par ailleurs, que le plan de reconfinement est prêt, précisant qu'il n'y aura pas de reconfinement total. L'Expression: Les Algériens entrent dans la seconde phase de déconfinement progressif. Quel bilan faites-vous de la situation épidémiologique durant la dernière semaine (la première phase de déconfinement)? Docteur Bekkat Berkani: Globalement, nous sommes dans une courbe modérément en hausse. Les derniers bilans attestent qu'il y a une hausse des personnes atteintes par le Covid-19. Les chiffres officiels de contamination sont là pour l'affirmer. Les contaminations sont en hausse constante. Le nombre de personnes décédées et de ceux en réanimation le sont également. Y a-t-il une explication docteur? La situation épidémiologique dans notre pays n'est pas catastrophique. Mais la situation actuelle nous oblige à revenir aux faits, qui se sont déroulés avant la première phase de déconfinement. Il faut encore patienter et attendre la fin de la phase 2 du plan de déconfinement progressif pour savoir s'il y a risque ou pas, sur la population, pour alléger le déconfinement, ou bien reconfiner! Ce que l'on sait sur ce virus, c'est que la contagion peut durer jusqu'à 15 jours après l'apparition des premiers symptômes. Donc, ce n'est pas l'heure de trancher la question. Les chiffres sont là pour tirer la sonnette d'alarme. Je pense que l'explication la plus proche de la logique à cette légère hausse, c'est le manque de civisme de la part de nos concitoyens après l'Aïd. Avant cette date, les bilans affirmaient que l'ajustement des horaires dans les wilayas et les autres mesures complémentaires pour la prévention contre la pandémie de Covid-19, ayant été observés à l'occasion de l'Aïd el-Fitr, avaient donné leurs fruits en diminuant le taux d'infection. Une quinzaine de jours après, les chiffres sont repartis à la hausse. Et les contacts familiaux sont les premiers comportements qui «figurent sur le banc des accusés». Ceci je pense dénote d'un relâchement de la part de nos concitoyens vis-à-vis des gestes barrières et des nouvelles règles spécifiques à la circulation de la population comme le port du masque devenu obligatoire et celles devant encadrer la reprise de certaines activités jugées à haut risque sanitaire. L'autre explication est liée à l'augmentation des diagnostics à travers le territoire national. Se dirige-t-on vers un reconfinement, si la hausse se poursuit? D'abord, je tiens à assurer qu'il n'y aura pas de reconfinement total. Quoique, je tiens à préciser que comme cela a été le cas avec le plan de confinement, le Comité scientifique auprès du ministre de la Santé pour le suivi de l'épidémie de Covid-19 a pensé à concocter un plan de reconfinement. Les grands axes de ce dernier ont été définis, et il ne reste que d'attendre l'aval des membres de la cellule de suivi épidémiologique, fraîchement installée. Ces derniers ont déjà investi le terrain et ils sont chargés de remonter la piste du virus et afin de casser les chaînes de contamination, «au cas par cas». C'est-à-dire que si l'appréciation globale de la situation épidémiologique qui sera effectuée d'ici la fin de cette semaine nous oblige à décider qu'il est temps de reconfiner, nous allons faire appel aux membres de ladite cellule pour «ne cerner que les foyers de contamination», communément appelés les clusters. S'il y aura reconfinement, ce plan ne touchera que les zones qui nécessitent de le faire. Il n'y a pas de raison pour reconfiner toute une wilaya qui n'a que quelques cas isolés. Au plus clair, il est donc prévu, après les résultats des enquêtes épidémiologiques, d'imposer des règles strictes, spécifiques à la circulation de la population à un confinement ciblé selon la source de l'épidémie, selon l'évolution de l'épidémie, dans les communes, daïras, et wilayas. Il y aura si nécessaire, diminution de la circulation de la population, en augmentant les horaires du couvre-feu. Quel commentaire faites-vous sur la reprise des transports en commun? Je l'ai déjà dit et je le redis que les transports en commun sont «de véritables pièges à virus». Le redémarrage de cette activité est nécessaire, mais il doit s'effectuer de façon organisée. C'est désolant de voir les Algériens et les Algériennes ne pas respecter les gestes barrières. Mais ce que l'on a vu au premier jour de la reprise du tramway d'Alger, ne signifie pas seulement que les citoyens n'ont pas respecté les consignes préventives. Les images sont là pour dire qu'il est temps de mettre un peu d'ordre dans l'anarchie qui caractérise le secteurs des transports. Ce qui s'est passé au tramway devra être une bonne leçon. Car, on aurait pu voir pire si la reprise avait touché les moyens de transport en commun privés, qui avaient heureusement été jugés impossibles, pour l'heure. Il faut absolument contrôler le flux des voyageurs. Autre chose importante à noter, c'est le non-respect du port des masques dans les commerces et les espaces publics. Les commerçants, leurs clients et les citoyens, continuent de se balader, sans être parfois trop «inquiétés.» J'en profite pour dire ainsi, que les services de sécurité doivent appliquer la loi, l'obligation du port du masque dans les espaces où les gens s'entrecroisent et le respect de la règle de distanciation sociale. On ne peut pas continuer à défier la loi. Le port du masque est obligatoire par décret. Il faut que la population prenne l'habitude de porter ce moyen de protection Il faut absolument casser la transmission par des gestes barrières, sinon, on ne s'en sortira pas!