Israël est parvenu mardi à ses fins, après la destruction de la prison de Jéricho, en enlevant le militant palestinien Ahmed Saadat. Le terrorisme d'Etat d'Israël s'est encore manifesté dans toute sa violence et son intolérance lors de l'opération militaire menée contre la prison de Jéricho-Ariha, où étaient détenus Ahmed Saadat, secrétaire général du Fplp et Fouad Choubaki (un responsable du Fatah) ainsi que plusieurs militants palestiniens. Cette opération a été menée en violation du droit international et des accords liant Israël, l'Autorité palestinienne, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, pour ce qui est de ces détenus ‘'spéciaux'' placés sous la surveillance de gardiens britanniques et américains. Aux termes d'un accord international, ces détenus se trouvaient sous la conservation de gardes britanniques et américains lesquels ont quitté la prison peu avant le début de l'intervention israélienne. Comme dans une sorte de coordination parfaite, ces gardiens, censés protéger les prisonniers palestiniens, ont quitté les lieux mardi laissant le champ libre à l'armée israélienne qui a immédiatement occupé le terrain en encerclant le pénitencier de Jéricho avant d'y mener des assauts répétés, assauts appuyés par les raids d'hélicoptères de combat qui ont détruit en grande partie le bâtiment carcéral de Jéricho. L'affaire s'est achevée dans la soirée de mardi par la reddition de Saadat et de ses compagnons de cellule. Une nouvelle fois, Israël a ainsi mis la communauté internationale devant le fait accompli. L'Occident et l'ONU, qui n'ont pas réagi immédiatement lors de l'opération terroriste israélienne contre une prison placée sous protection internationale, ont eu une réaction rapide hier en appelant au calme, en référence singulièrement à la colère, justifiée, des Palestiniens, sans pour autant avoir condamné clairement l'intervention d'Israël qui transgresse les lois et droit internationaux. Ainsi, le secrétaire général de l'ONU ne faisant aucune mention de l'agression israélienne contre la prison de Jéricho appelait, sans autre précision, à «la fin des violences», selon un communiqué du secrétariat de l'ONU qui indique que « le secrétaire général est profondément préoccupé par les violences de ce jour (mardi) en Cisjordanie et dans la Bande de Ghaza, au cours desquelles plusieurs personnes, dont des officiers de police palestiniens, ont été tuées et des travailleurs étrangers enlevés». M.Annan «appelle à la fin immédiate de la violence, au respect des vies des civils et à des mesures urgentes pour restaurer le calme (...) il «appelle également à la libération immédiate des personnes enlevées et au respect plein et entier des personnels étrangers sur le terrain». Certes, mais de quelles personnes enlevées parle Kofi Annan? Des huit personnes, dont sept étrangers, enlevées à Ghaza et en Cisjordanie, -après l'intervention militaire israélienne contre la prison d'Ariha- ou de l'ensemble des victimes y compris les détenus palestiniens kidnappés par l'armée israélienne? Non, on a compris que M.Annan n'exige pas d'Israël la libération ‘‘immédiate'' des prisonniers palestiniens enlevés mardi par l'armée israélienne dans une opération terroriste médiatisée dans le monde entier. De même, l'Union européenne «exprime son regret et sa préoccupation face à l'escalade au Proche-Orient», a déclaré hier le secrétaire d'Etat autrichien aux Affaires étrangères Hans Winckler, dont le pays préside l'UE, sans aucune référence au fait que cette «escalade» était de la seule responsabilité d'Israël qui a agressé un centre de détention palestinien placé sous contrôle international, et tuant plusieurs policiers qui le défendaient, et des prisonniers palestiniens. Et M.Winckler -plaçant sur le même pied les agresseurs israéliens et les victimes palestiniennes- de conclure: «Nous demandons aux Israéliens et aux Palestiniens de faire preuve de modération». Devant la dégradation de la situation dans les territoires palestiniens occupés, le président Mahmoud Abbas, en tournée en Europe, y a écourté son séjour en retournant hier à Amman, d'où il devait regagner Ramallah. M. Abbas très en colère après l'opération israélienne en tenait, mardi, pour responsables Washington et Londres. Membre de la délégation qui a accompagné M.Abbas à Strasbourg, siège du Parlement européen, Saëb Erakat a fermement condamné l'intervention israélienne à Jéricho et l'enlèvement de Saadat et ses compagnons indiquant: «L'Autorité palestinienne condamne l'opération de kidnapping de Saadat et de ses amis, et fait porter à Israël, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis la responsabilité de leur sort». M.Erakat a indiqué encore que «cette dangereuse opération constitue un coup dur porté à l'Autorité palestinienne et à son président Mahmoud Abbas. Elle prouve que le gouvernement israélien entend créer des faits accomplis et ne veut pas progresser dans le processus de paix». Le président du Parlement européen, Josep Borrell, a bien condamné mardi soir l'attaque de la prison de Jéricho, en Cisjordanie, par les Israéliens et la vague de violence en réaction dans les territoires palestiniens, mais on sait que le Parlement européen n'a aucun pouvoir et ses prises de position n'engagent que leurs auteurs. Ainsi, M.Borrel a indiqué dans un communiqué condamner «(...) fermement l'attaque de la prison de Jéricho par les Israéliens et les enlèvements et actes sanglants qui se sont produits en réaction dans les Territoires palestiniens aujourd'hui», en prenant toutefois soin de ne pas isoler Israël dans la condamnation lui associant les Palestiniens, en fait les seuls ‘'vrais'' coupables -en ne se soumettant pas au diktat d'Israël- aux yeux de l'Occident. De fait, l'intervention sanglante de l'armée israélienne mardi contre la prison de Jéricho sentait de loin son opération électoraliste, comme cela s'est toujours effectué en Israël à l'approche d'un rendez-vous électoral, le pouvoir en place voulant ainsi montrer sa capacité à «mater» les Palestiniens. Le Premier ministre israélien par intérim, Ehud Olmert, avait d'autant plus besoin d'agir que le parti Kadima créé par Sharon, avant son entré dans le coma, se trouve depuis quelques semaines sur une pente descendante après avoir connu les sommets dans les sondages d'opinion. Aussi, une opération du genre de celle montée contre la prison d'Ariha, entrait de plain-pied dans les normes politiques d'Israël. Olmert, qui est loin de valoir Sharon pour les Israéliens, avait aussi besoin de prouver son existence politique en reprenant à son compte les méthodes brutales de bulldozer du boucher de Sabra et Chatila. De fait, même des politiques israéliens se sont demandés hier pourquoi le pouvoir s'est souvenu soudain de Saadat -accusé par Israël d'implication dans l'assassinat du ministre du Tourisme, Revaham Zeevi- quand des «assassins» d'enfants israéliens courent toujours. Aussi, analystes et observateurs se posent la question: pourquoi aujourd'hui et maintenant, à quelques jours des élections, au moment où le parti de Sharon bat de l'aile? De fait, après cette opération terroriste, suivie en direct dans le monde entier grâce aux chaînes satellitaires, le Kadima est remonté dans les sondages. Ainsi, à nouveau le sang des Palestiniens aura servi de détonateur dans les compétitions politiciennes et la course au pouvoir en Israël. Dès lors, celui qui tue le plus de Palestiniens est assuré de prendre ou de garder le pouvoir dans l'Etat hébreu. Que fait la communauté internationale si soucieuse, par ailleurs, de la vie de la personne humaine et des droits de l'Homme?