Sans surprise, le bloc parlementaire d'al Karama, ex-croissance partisane issue d'Ennahdha, a annoncé mardi soir qu'il boycottera la session plénière, prévue, aujourd'hui, par l'Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) et consacrée au vote de la motion de retrait de confiance à l'encontre de Rached Ghannouchi, président du Parlement. Ce texte, déposé par le camp démocrate conduit par le Parti Destourien Libre (PDL) de Abir Moussi, est qualifié par l'alliée islamiste du parti de Ghannouchi, de «manoeuvre politique». Al Karama proclame en effet que «cette motion a été introduite par le bloc fasciste de Ben Ali et et d'autres blocs, et la coalition al Karama informe l'opinion publique qu'elle n'est pas concernée par cette bataille car elle s'inscrit dans la continuité du système corrompu». Le reproche adressé à Ghannouchi sur sa mauvaise gestion des affaires de l'ARP et sur ses dépassements de prérogative lorsqu'il s'est empressé de féliciter au téléphone Fayez al Serraj pour les succès de ses forces loyales contre les troupes du maréchal Khalifa Haftar sont considérés comme des «prétextes fallacieux» par la formation islamiste qui accuse en outre le bloc Ben Ali, c'est-à-dire le PDL, de «perturbations» des travaux de la plénière et des commissions de l'ARP. Le bloc parlementaire d'al Karama, présidé par Seifedine Makhlouf, apporte ainsi, par avance, sa caution à Rached Ghannouchi, soutenu également par Qalb Tounes, face à la démarche adoptée par 76 députés, en plus des 16 élus du Parti Destourien Libre, qui espèrent évincer Ghannouchi de son perchoir au Bardo. La question est donc de savoir si la motion atteindra les 109 voix nécessaires pour son adoption, ce qui n'est pas encore le cas malgré les tentatives de rallier des voix supplémentaires au sein des indépendants et des indécis dans les rangs de Tahya Tounes et Nidaa Tounes. Pendant ce temps, hier encore, des incidents ont eu lieu lors de la plénière qui a été levée par le 2ème vice-président de l'ARP, Tarek Fetiti, suite à une vive altercation entre Samia Abbou, députée d'Attayar et membre du bloc démocrate, et certains députés de la coalition al Karama. Mme Abbou a reproché à des députés d'Ennahdha et d'al Karama d'avoir instrumentalisé des manifestants pour l'agresser devant l'entrée de l'ARP, au moment où se déroulait l'examen d'un projet de loi pour le recrutement des chômeurs de plus de dix ans au sein de la fonction publique. Un projet rejeté par Attayar qui le juge anticonstitutionnel puisque l'article 63 de la Loi fondamentale interdit toute loi portant atteinte aux équilibres financiers de l'Etat. En attendant le résultat du vote d'aujourd'hui sur le retrait de confiance qui, faut-il le souligner, ne semble guère inquiéter Rached Ghannouchi, la présidente du PDL, Abir Moussi, après avoir déploré, non sans humour, l'abandon forcé de son «allouchi», juste avant la fête de l'Aïd el Adha, confirme que son parti votera la confiance au gouvernement de Hichem Mechichi, à condition qu'il ne comporte pas de ministres «khwenjiya», et qu'il ne postulera pour aucun portefeuille. Telle est l'ambiance qui rend l'air du Bardo particulièrement caniculaire en ce début du mois d'août.