Neuf éléments appartenant à la mouvance takfiriste ont été appréhendés vendredi dernier par la Garde nationale tunisienne dans la ville de Médenine. Dans un communiqué, le ministère de l'Intérieur a affirmé qu'ils s'apprêtaient à attaquer des patrouilles sécuritaires, munis de ceintures explosives. Ils auraient, en outre, entrepris le recrutement de jeunes désoeuvrés dans cette région affectée par la morosité de l'économie et des conditions sociales précaires. Avec cette deuxième opération du genre, en moins d'une semaine, les services de prévention de la Garde nationale qui avaient déjà appréhendé trois éléments de cette mouvance à Gafsa, mardi dernier, n'ont pas hésité à révéler que l'objectif des takfiristes n'est, ni plus ni moins, que d'instaurer un émirat terroriste dans la région. Il y a une semaine, à Sousse, dans la zone touristique d'El Kantaoui, régulièrement ciblée, trois terroristes avaient réussi à attaquer une patrouille de la Garde nationale, poignardant deux gendarmes dont un a succombé à ses blessures. L'alerte était ainsi donnée sur la résurgence factuelle de la menace terroriste à un moment où le pays est confronté à la propagation du nouveau coronavirus et à une instabilité politique préoccupante. La Tunisie souffre cruellement d'un poison nommé Daesh. Elle a fourni le plus grand nombre d'éléments qui ont combattu pour le groupe autoproclamé Etat islamique, des milliers de jeunes sans emploi ayant été recrutés par les réseaux terroristes bien structurés dans les grandes villes comme dans l'arrière-pays. En 2014, plusieurs milliers d'entre eux qui s'apprêtaient à prendre des vols pour Istanbul, alors un hub privilégié de Daesh, ont été bloqués in extremis à l'aéroport de Carthage. Depuis, l'expérience aidant, les services de sécurité tunisiens ont beaucoup travaillé, de sorte que la situation est sous contrôle. Les sites sensibles sont particulièrement surveillés et les Renseignements ne chôment guère. Mais la donne politique demeure un facteur d'instabilité et trois gouvernements viennent de se succéder en à peine six mois. Dramatiquement frappée par le terrorisme (attentats de 2015, assaut à Ben Guerdane, à la frontière libyenne, en 2016, avec plus de 70 morts), la Tunisie a su faire front et démontrer une certaine résilience. La semaine dernière, 134 députés sur les 217 que compte l'Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) ont accordé la confiance au gouvernement présidé par Hichem Mechichi, ancien ministre de l'Intérieur choisi par le président Kaïs Saïed. Enarque apolitique, il siège désormais à la Kasbah et dirige une équipe de 25 ministres et 3 secrétaires d'Etat. L'accouchement parlementaire aura été sans douleur mais le mécontentement reste clairement visible, de sorte que la crise politique que traverse la Tunisie, depuis de nombreux mois, est loin d'être terminée. Gouvernement de paradoxes, selon certains élus, il est déjà pointé du doigt par Abir Moussi, la pasionaria du Parti destourien libre (PDL), qui accuse Mechichi d'avoir «cédé aux pressions de dernière minute». Mais avait-il un autre choix? Sans une paix des braves, conclue in extremis avec Ennahdha et Qalb Tounes, lui et son équipe partaient droit dans le mur de l'ARP. Comme Paris en son temps, Tunis vaut bien une waada.