Les Etats-Unis ont annoncé mercredi soir qu'ils étaient favorables à la levée des brevets sur les vaccins anti-Covid, une prise de position exceptionnelle à l'heure où les pays pauvres manquent cruellement des précieuses doses, seules armes contre la pandémie qui poursuit ses ravages, notamment en Inde.»Il s'agit d'une crise sanitaire mondiale, et les circonstances extraordinaires de la pandémie du Covid-19 appellent à des mesures extraordinaires», a affirmé la représentante américaine au Commerce Katherine Tai, soulignant l'urgence de la situation. Le patron de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a salué sur Twitter une «décision historique».»Nous accueillons chaleureusement et soutenons fortement les propositions de levée des brevets sur les vaccins. Nous travaillerons activement avec nos partenaires pour faire avancer ce dossier», a réagi sur Twitter Damien O'Connor, ministre néo-zélandais de l'Agriculture et de la Biosécurité. Pour l'heure, les brevets sont détenus essentiellement par des laboratoires américains qui sont globalement opposés à leur levée car cela les priverait, selon eux, d'une manne financière pour des innovations coûteuses. Sollicités, Johnson & Johnson, Pfizer et Moderna n'ont pas directement réagi à l'annonce américaine. Mais la Fédération internationale de l'industrie pharmaceutique (IFPMA) a jugé «décevante» cette annonce. «Nous sommes totalement en phase avec l'objectif que les vaccins anti-Covid 19 soient rapidement et équitablement partagés dans le monde. Mais comme nous n'avons de cesse de le dire, une suspension est la réponse simple mais fausse à un problème complexe», a-t-elle expliqué. Stephen Ubl, le président de la fédération américaine (PhRMA), a souligné que cette décision pourrait ainsi «affaiblir davantage les chaînes d'approvisionnement déjà tendues et favoriser la prolifération des vaccins contrefaits». Selon lui, il faut plutôt s'attaquer au problème de la distribution et de la disponibilité «limitée» des matières premières. L'annonce de Washington intervient alors que la fracture se creuse entre les nations déshéritées à la peine et les pays riches, où les campagnes de vaccination — bientôt élargies aux Etats-Unis aux addolescents et au Canada aux enfants dès 12 ans —, permettent une levéée progressive des restrictions sanitaires. Comme au Danemark, où la situation épidémiologique est sous contrôle: le royaume ouvre jeudi les cinémas, théâtres, et centres de fitness sur présentation d'un «coronapas», passeport sanitaire certifiant d'un test négatif de moins de 72h, d'une vaccination ou d'une guérison récente du Covid-19. Exhortés par l'OMS à la solidarité dans ce domaine, les membres du G7 (Etats-Unis, Japon, Canada, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie) ont discuté mercredi à Londres des moyens d'augmenter leur assistance financière ou de partager leurs doses excédentaires pour aider les Etats pauvres. Le chef de la diplomatie indienne, Subrahmanyam Jaishankar, exposé à des cas potentiels de Covid-19, a été contraint de participer virtuellement à cette réunion. L'Inde, qui subit une deuxième vague dévastatrice, a dénombré 3.780 morts et 382.000 contaminations supplémentaires en 24 heures, soit plus de 222.000 décès et près de 20,3 millions de cas au total, un bilan que certains experts jugent largement sous-évalué. Cette situation est notamment attribuée à des rassemblements religieux, à des meetings politiques ainsi qu'à l'inaction du gouvernement de Narendra Modi. Les hôpitaux sont submergés et à court de réserves d'oxygène, de médicaments, de lits, malgré l'aide internationale qui afflue. La levée temporaire des brevets sur les vaccins est notamment réclamée par l'Inde et l'Afrique du Sud pour pouvoir accélérer la production mais certains pays dont la France y sont opposés. Paris plaide plutôt pour des dons en faveur des pays démunis. En Inde, la Banque centrale a annoncé 6,7 milliards de dollars de prêts bon marché au système de santé vétuste qui peine à surmonter l'afflux de malades, certains trouvant la mort aux portes mêmes des hôpitaux. Réunis à Londres depuis lundi pour leur première rencontre en personne en deux ans, les ministres des Affaires étrangères des Etats du G7 ont repris leurs discussions pour parvenir à une distribution plus juste des vaccins. Covax, le système de partage avec les pays pauvres, qui se fournit principalement en sérums d'AstraZeneca, patine en effet : il n'a livré que 49 millions de doses dans 121 pays et territoires, contre un objectif de deux milliards en 2021. La pandémie a fait plus de 3,2 millions de morts dans le monde depuis que le bureau de l'OMS en Chine a fait état de l'apparition du Covid-19 fin décembre 2019, selon un bilan établi mercredi.