Il fallait s'y attendre. La décision a été annoncée samedi, et la Haute commission nationale électorale (HNEC) libyenne a confirmé le report de l'annonce de la liste des candidats retenus pour la présidentielle, ce qui signifie clairement que le scrutin a toutes les chances, si l'on peut dire, de ne pas avoir lieu à la date prévue du 24 décembre prochain, conformément à la feuille de route adoptée, voici un an, par le Forum de dialogue politique interlibyen (FDPL) sous l'égide de la Mission d'appui des Nations unies (Manul). En d'autres termes, la sortie de crise de la Libye n'est pas pour bientôt, malgré les efforts conjugués de diverses parties, à savoir l'ONU, l'UA, la Ligue arabe et le groupe des pays voisins conduit par l'Algérie. Indice préoccupant, la HNEC n'a évoqué aucune nouvelle date pour l'annonce officielle des candidatures, condition incontournable pour le déroulement de la première élection, en Libye, d'un président au suffrage universel. Le règlement adopté, voici quelques mois, stipule que la HNEC devait annoncer ladite liste des candidatures validées au plus tard deux semaines après l'examen des recours et des décisions judiciaires afférentes, lesquelles ont eu lieu avant le 20 novembre dernier. Elle a, par contre, expliqué qu'il lui incombe d' «adopter une série de (nouvelles) mesures», à la fois «judiciaires et légales» avant de procéder à l'officialisation de la «liste définitive». Tout en insistant sur le caractère «sensible» de cette opération, la HNEC affirme vouloir «s'assurer d'avoir épuisé toutes les voies de recours pour que ses décisions soient conformes à celles des tribunaux». Une lecture attentive des attendus de cette annonce qui va bouleverser obligatoirement le calendrier et conforte, par-là même, la récente déclaration du vice-président du Haut Conseil d'Etat (HCE, sorte de sénat) appelant à reporter la présidentielle au mois de février 2022, indique que la HNEC est dans l'impossibilité de publier la liste définitive, après avoir été sommée par la Chambre des représentants (le Parlement), basée à Tobrouk et largement contrôlée par le maréchal Haftar et Saleh Aguila, de lui soumettre cette liste avant toute diffusion. Les 71 élus qui ont exigé du président de la HNEC qu'il s'adonne à un interrogatoire sur les péripéties judiciaires qui ont remis en course Seif El Islam El Gueddhafi et Abdelhamid Dbeibah ont clairement laissé prévoir ce genre de rebondissement qui compromet non seulement l'éligibilité des uns et des autres mais menace le processus électoral dans son ensemble. En le faisant vaciller, ces dernières quarante-huit heures, les parties prenantes à la crise libyenne montrent qu'elles n'ont nullement l'intention de rester en marge d'un processus qui mettrait en cause leur ambition et leur action, quitte à torpiller, et c'est désormais le cas, la tenue du scrutin du 24 décembre pour lequel les candidats devaient mener campagne pendant...deux semaines! La Manul aura beau souligner «l'importance d'affronter les défis techniques et politiques émergents qui pourraient perturber le processus électoral», se référant au «soutien de la population» aux élections prévues, le fait est que «les tensions, la méfiance et les ingérences étrangères» dénoncées par le HCE ont bel et bien compromis le déroulement du processus de sortie de crise. Reste à savoir pour combien de temps...