La montée au créneau des chefs de file du parti dissous est une avant-première du rôle qu'ils auront à jouer. La présence de Ali Benhadj aux abords du siège du FLN situé à Hydra, jeudi dernier, n'est pas passée inaperçue aux yeux des observateurs de la scène politique nationale. Avides du moindre indice qui puisse clarifier davantage la soudaine montée au créneau des cadres de l'ex-FIS, particulièrement ceux installés à l'étranger, les journalistes présents sur place n'ont pu se retenir de prêter l'oreille à celui qui aura marqué de son verbe incisif, des années durant, l'esprit d'une jeunesse en détresse, prête à toutes les aventures. L'ex-numéro deux du FIS dissous, déchu de ses droits politiques puisque interdit de toute activité allant dans ce sens, s'est déplacé au siège du parti pour rencontrer le secrétaire général et chef du gouvernement actuel qui devait animer une conférence de presse. Un geste qu'il a l'habitude de faire chaque fois que l'occasion se présente. Cette fois, il voulait s'entretenir avec Belkhadem au sujet de l'interdiction d'activité politique dont il fait l'objet comme le stipule la Charte pour la réconciliation nationale. Un geste à coller à la nouvelle cartographie politique algérienne qui se dessine au fur et à mesure qu'approche l'échéance des législatives prévues en 2007. La campagne électorale lancée depuis longtemps, même de façon officieuse, par les états-majors des partis politiques à l'instar du MSP, FLN et RND qui forment la coalition gouvernementale, est parasitée par l'intrusion dans le débat politico-médiatique national, par organes de presse interposés, de symboles de l'ex-nébuleuse islamiste. De Kébir à Hadam en passant par l'ex-numéro un Abassi Madani, la trame de la campagne médiatique, menée tambour battant, reste inchangée: bénédiction de la Charte nationale, de la ligne politique prônée par le président Bouteflika et, chemin faisant, se redéployer sur la scène avec un autre exercice de style. Pour donner l'image de politiques prêts à intégrer les règles du jeu dictées par le FLN et le président lui même. Car, si par le passé, c'était au président Bouteflika de tendre la main aux chefs militaro-politiques islamistes, n'hésitant pas à s'adresser directement à Hattab, chef de l'une des factions terroristes alors encore en activité, aujourd'hui la donne a changé. Ce sont les symboles de cette mouvance qui se bousculent pour faire entendre leur désir de se mettre de la partie, en vue de la réussite de la politique de la réconciliation nationale qui leur ouvrira peut-être des brèches, pour un éventuel retour aux affaires politiques. Rabah Kebir n'a-t-il pas laissé entrevoir une telle issue, en rappelant au journaliste d'Echourouk qui l'a interviewé, que le président de la République possède une marge de manoeuvre qui peut lui permettre d'intervenir dans ce cadre dès qu'il le juge utile? Cette lecture qu'on peut faire de l'animation qui caractérise la vie politique nationale ces derniers temps, est d'autant plus réaliste que, l'intronisation de Belkhadem à la tête de l'Exécutif national ne cesse d'être saluée par un large éventail d'hommes politiques se réclamant du projet de réconciliation nationale. Le retour de la diaspora de l'ex-FIS installée à l'étranger, annoncé par Kebir, est un signal fort qui renseigne sur les tractations qui sont en cours dans différentes sphères du pouvoir en vue de mettre fin à la crise politique qui a mené le pays au bord de l'explosion. De ce point de vue, l'intégration des acteurs islamistes qui n'auraient pas une responsabilité directe dans les massacres collectifs qui ont ravagé l'Algérie dans les années 1992-1998 est possible car la Charte pour la réconciliation est garante de la fin du débat lancinant qui tend à déterminer la responsabilité des uns et des autres dans la tragédie nationale. Serait-ce alors le prix à payer pour soustraire à jamais le pays des tentations que peuvent nourrir certains cercles politiques qui n'ont pas encore «digéré» la ligne de conduite adoptée par le président et son staff? Enfin, il apparaît bien que l'ouverture du champ politique aux différentes tendances est la condition pour une réelle sortie de crise. Et Bouteflika semble l'avoir compris en mettant en pratique une politique d'ouverture pragmatique qui n'exclut personne et en chargeant un chantre de la réconciliation pour veiller à son exécution. Avec à sa disposition la redoutable machine politique et électorale qu'est le FLN. De quoi se prémunir de tout risque de dérapage qui viendrait menacer le processus de remise sur rails de l'Algérie qui voit s'ouvrir des horizons prometteurs sur le plan économique et une stabilité longtemps recherchée sur le front social. L'intérêt accordé par Belkhadem à la question des salaires et au statut de la Fonction publique dénote cette volonté de mettre les Algériens dans des conditions favorables pour les prochaines consultations électorales, décisives pour l'avenir du pays. Le président semble avoir bien des longueurs d'avance sur ses concurrents et l'avènement des cadres de l'ex-FIS sur la scène n'est, de ce point de vue, plus considéré comme une sérieuse menace. Les Algériens qui ont payé de leur chair les «errements» d'une certaine classe politique ne sont pas près de se lancer dans une aventure aux lendemains incertains. Un argument qui donne l'occasion au FLN de bomber le torse. Comme quoi, on peut toujours compter sur lui. Et quand les urnes parleront, bien des voix ne se feront plus entendre.