Le conflit armé russo-ukrainien vire à la guerre économique. Les sanctions contre la Russie pleuvent depuis que les armes ont parlé en Ukraine. L'arme du pétrole, arme fatale par excellence, à double tranchant de surcroit, est à nouveau agitée. Si elle peut faire plier l'économie russe qui tire des revenus financiers importants de ses exportations d'or noir, leur boycott entrainerait un déséquilibre fatal du marché pétrolier qui mettrait le feu aux prix qui évoluent déjà à un niveau élevé. Le baril de Brent a clos la semaine qui s'est achevée le 14 avril à plus de 110 dollars alors qu'il avait évolué en zone rouge pendant la majorité de la séance avant un pic fulgurant à quelques encablures de la clôture. La cause de cette hausse inouïe se trouve dans des informations qui indiquent que l'Union européenne préparerait un embargo sur les exportations russes de brut. Selon le New York Times, jeudi, qui ne donnait pas de détails, l'UE «est en train de mettre au point un plan d'embargo sur le pétrole russe et cela a de toute évidence bougé le marché» en milieu de séance, a indiqué Matt Smith de Kpler. «Le marché a complètement inversé la tendance quand le New York Times a indiqué que l'Union européenne considérait adopter une interdiction progressive d'achats de pétrole russe» confirmait Andy Lipow, de Lipow Oil Associates. «Cela veut dire que les pays européens vont chercher une offre alternative, qui est difficile à trouver car l'Opep+ a refusé d'utiliser ses capacités de production supplémentaires pour suppléer au pétrole russe», a souligné l'analyste pour expliquer la brusque hausse des cours, qui étaient en repli en matinée. Comment compenser les barils russes manquants? L'équation n'est pas si simple et c'est ce qui a retardé les pays européens à décider de boycotter le pétrole russe dont ils dépendent étroitement. L'UE paie 280 millions de dollars par jour à la Russie pour assurer sa consommation d'or noir. Il a été question dans un premier temps de solliciter l'Organisation des pays exportateurs de pétrole et leurs alliés. L'Opep+ a dit: niet! Les 13 pays de l'Opep et leurs 10 partenaires emmenés par la Russie n'ouvriront pas davantage leurs vannes pour suppléer les barils russes menacés d'embargo par l'Union européenne. L'Organisation des pays exportateurs de pétrole qui a mentionné dans son dernier rapport mensuel que la demande mondiale augmenterait de 3,67 millions de barils par jour en 2022, soit 480 000 b/j de moins que sa précédente prévision a averti qu'elle n'ouvrira pas davantage ses vannes pour éponger ce déficit. Le secrétaire général de l'Opep, Mohammed Barkindo, a prévenu l'Union européenne, le 11 avril, que les 7 millions de barils/j d'exportations russes qui seraient perdus en raison des sanctions ne pourraient pas être intégralement remplacés, a indiqué la presse financière. Ce qui ne fera qu'exacerber la tension sur un marché déjà bien chahuté. «Le rapport mensuel de l'Opep implique que l'organisation ne peut pas suppléer aux barils qui n'ont pas été produits par la Russie», a indiqué Robert Yawger de Mizuho USA, précisant que la production russe de brut a diminué de 530000 barils/j le mois dernier. Il faut rappeler que l'Organisation des pays exportateurs de pétrole, emmenée par son chef de file l'Arabie saoudite, n'a pas répondu aux sollicitations des pays occidentaux, gros consommateurs d'or noir, pour doper sa production depuis le début de la guerre en Ukraine pour enrayer la flambée des prix. «Si l'Opep+ n'existait pas, nous ne pourrions pas avoir de stabilité sur le marché de l'énergie (...), la volatilité des prix serait encore pire», a déclaré le ministre saoudien de l'Energie, Abdulaziz ben Salmane lors du Sommet mondial des gouvernements qui s'est tenu, fin mars, à Dubai, tout en défendant la «culture» apolitique de l'Opep. «Si l'Opep+ n'existait pas, nous ne pourrions pas avoir de stabilité sur le marché de l'énergie (...), la volatilité des prix serait encore pire», a tenu à souligner le prince saoudien. No comment!