L'imprévisible chef d'Etat de la Jamahiriya avait irrité les autorités algériennes par ses appels aux Touareg à se fédérer. Il y a quelques semaines, le truculent chef de la Jamahiriya libyenne, le leader Mouammar Al Kadhafi, avait irrité non pas uniquement Alger, mais aussi tous les chefs d'Etat de la région saharo-sahélienne en appelant les Touareg à se fédérer. Irritation qui changea vite en divergences politiques sérieuses lorsque des Touareg rebelles maliens organisent une insurrection à Kidal et dans le nord du pays. Une fois encore, il fallait recourir à la médiation algérienne pour lisser les aspérités entre les rebelles et le régime de Bamako. Entre Alger et Tripoli, et bien qu'on ne le disait pas, les choses allaient moins bien qu'elles n'en avaient l'air, et il n'y avait pas que les questions sécuritaires qui perturbent leurs relations. C'est certainement dans ce contexte précis qu'il faut placer la visite du secrétaire du Comité populaire général de la sécurité publique libyen (équivalent de ministre de l'Intérieur), le général Salah Rajab El Mismari qui eut des discussions aussi bien avec le ministre de l'Intérieur, Nouredine Yazid Zerhouni, qu'avec le patron de la police algérienne, Ali Tounsi . Arrivé dans la soirée de dimanche, il avait annoncé immédiatement: «Nous avons de grandes actions communes et des objectifs communs, et nous allons discuter de questions touchant aux intérêts de la Libye et de l'Algérie et relevant de nos compétences (...). Il y a une activité continue entre nos deux pays pour assurer le bien-être, la stabilité et la sécurité au profit des peuples algérien et libyen, qui ont des liens historiques et forts.» De son côté, Zerhouni a affirmé que cette visite «constituera sûrement une occasion de donner une nouvelle impulsion à la coopération technique dans le domaine de la sécurité entre l'Algérie et la Libye (...) Nous avons déjà une coordination et nous devons entamer une nouvelle étape», suggérant qu'après cette visite, le travail des polices algérienne et libyenne «sera plus fort et plus efficace, au profit des deux peuples», notamment les citoyens libyens et algériens vivant dans la zone frontalière. Le général Salah Rajab El Mismari, qui était accompagné dans sa visite à Alger d'une importante délégation, avait notamment dans son agenda, des points précis à proposer et à débattre, dont la circulation des Algériens, très nombreux sur le sol libyen, le travail au noir de certains d'entre eux, l'immigration clandestine et le mouvement des Touareg qui vivent le long des frontières. Alger est surtout intéressée par un listing exhaustif des ressortissants algériens vivant en Libye. Un état des lieux en quelque sorte des Algériens passés à Tripoli, Benghazi et Beïda, les trois villes où la présence des ressortissants algériens est forte depuis le début des années quatre-vingt. Il n'y a pas longtemps, les Algériens recherchés par les autorités dans des affaires liées au terrorisme et au droit commun, pouvaient facilement passer «de l'autre côté» et ne plus se sentir inquiétés, et on estime généralement le nombre d'Algériens qui ont transité par la Libye dans ces cas précis à plusieurs milliers. Regagner la confiance d'Alger est le dernier voeu de Kadhafi qui agit souvent impulsivement, peu soucieux des conséquences ultérieures qu'une telle attitude pouvait susciter parmi les pays voisins de la Libye , quand on sait la fragilité qui est celle d'une région en manque de stabilité.