On sait que le «raffermissement des liens» avec les membres de la communauté nationale établie à l'étranger constitue une préoccupation majeure pour les hautes autorités du pays. Nonobstant l'insistance récurrente du chef de l'Etat sur cet objectif, notamment lors de ses déplacements à l'étranger où sont à chaque fois organisées des rencontres avec les collectifs d'Algériens établis dans le pays hôte, le changement de dénomination du traditionnel MAE survenue au mois de juillet 2021 en ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l'étranger témoigne à souhait de cette nouvelle «orientation stratégique» des pouvoirs publics algériens. Ce changement d'appellation faisait suite, il convient de le rappeler, à la création un an auparavant de l'Agence algérienne de coopération internationale pour la solidarité et le développement et dont l'une des principales missions est «d'établir et d'entretenir des relations avec la communauté scientifique et les hommes d'affaires algériens installés à l'étranger» (art. 4 du décret 20-42 du 11 février 2020). C'est dans cet esprit visant le renforcement du sentiment d'appartenance nationale auprès de notre diaspora qu'a été signé en date du 18 octobre 2022 le décret exécutif 22-351 fixant les conditions et les modalités d'affiliation volontaire au système national de retraite des membres de la communauté nationale à l'étranger, et dont les modalités de versement des officiel n°2 du 15 janvier 2023) par un arrêté conjoint regroupant le ministère des Finances, le MAE et le ministère du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale. L'exigence d'une limite d'âge La publication de ce décret attendu depuis longtemps de l'autre côté de la Méditerranée et au-delà ne pouvait que susciter l'enthousiasme de notre communauté émigrée tant il vient, comme l'a exprimé le porte-parole du Collectif de la diaspora algérienne en France, M. Nasser Khabat, «répondre aux besoins et aux préoccupations de la communauté des Algériens vivant à l'étranger [et] consolide[r] le lien d'appartenance de la communauté à sa patrie.» Mais s'il en est ainsi de la portée politique, voire même émotionnelle de ce texte règlementaire, il nous semble toutefois nécessaire de s'atteler à une brève lecture juridique de celui-ci afin de jeter la lumière sur ses avantages et ses limites objectives. S'appliquant aux membres de la communauté nationale établis à l'étranger et exerçant hors du territoire national une activité professionnelle soumise au régime des salariés ou travaillant pour leur propre compte dans le secteur industriel, commercial, agricole, artisanal ou libéral (art. 2), l'affiliation demeure conditionnée par la nécessité d'être régulièrement immatriculé auprès des représentations diplomatiques et consulaires algériennes et, surtout, d'être âgé de moins de cinquante-cinq (55) ans à la date d'affiliation (art. 7). L'exclusivité des prestations en nature Le fait est que pour pouvoir bénéficier de la pension de retraite au titre de l'affiliation au régime national de retraite, le postulant établi à l'étranger doit justifier de quinze (15) années au moins de cotisations à l'organisme de sécurité sociale (art. 19). La pension de retraite étant calculée sur la base de la moyenne des assiettes de cotisations des dix (10) dernières années (art. 23), le travailleur affilié avant la limite d'âge (55 ans) pourra néanmoins bénéficier de la validation des cinq (5) années manquantes en contrepartie du versement de cotisations de rachat (art. 21). Aussi, dans le cas où ce dernier ait par le passé eu l'occasion de cotiser au système national de retraites durant cinq (5) années, la période de cotisations pourra lui être comptabilisée (art. 22). On l'aura compris: le décret ne manque pas d'alternatives pour parer à l'exigence des quinze années de cotisations obligatoires. De plus, en cas de décès de l'affilié, ses ayants droit bénéficient de la pension ou allocation de retraite de reversion (art. 24). Le régime commun de l'assurance sociale algérienne admet deux types de prestations: «les prestations en nature» ou la prise en charge des frais de soins de santé à titre préventif et curatif, et «les prestations en espèce» ou l'attribution d'une indemnité journalière au travailleur contraint pour raison de maladie d'interrompre momentanément son travail (art. 7 de la loi 83-11). Le décret fixant les modalités d'affiliation volontaire des membres de la communauté nationale à l'étranger pour sa part ne prévoit que les «prestations en nature» (art. 4), soit la couverture sociale en matière d'assurance maladie et de maternité (art. 16). De plus, le décret exige pour le remboursement des prestations de l'assurance maladie et de maternité que les actes y afférents aient été réalisés, exclusivement, en Algérie (art. 27). Cette disposition peut certes, susciter l'intérêt de nos compatriotes résidant dans des pays au système de santé moins performant que le nôtre, mais qu'en est-il pour ceux d'entre eux - la plupart il convient de le souligner - qui résident dans des pays européens et dont les établissements de santé - il faut le reconnaître - sont bien plus développés que ceux algériens? Les cotisations sociales en devise Conformément à l'article 8 du décret objet de notre analyse, l'affilié au système national de sécurité sociale résident à l'étranger doit procéder au versement trimestriel d'une cotisation à l'organisme de sécurité sociale calculée sur la base d'un taux de 31.25% de l'assiette déclarée (13% au titre de l'assurance maladie et de maternité et 18.25% au titre de la retraite). Ce n'est pas tant la différence avec le taux de cotisation unique des salariés algériens résidant en Algérie (34.5%) qui nous intéresse ici que l'exigence faite aux Algériens établis à l'étranger de verser les cotisations exclusivement «en devises convertibles». D'autant plus que le décret dispose que les prestations de retraite seront «accordées en dinar algérien [et] ne peuvent être servies hors du territoire national» (art. 11). Cette disposition s'explique d'un point de vue législatif stricto sensu. L'article 83 de la loi 83-11 du 2 juillet 1983 avait déjà donné le ton à cette règle en disposant que «les prestations prévues par la présente loi ne peuvent être servies hors du territoire national». Mais d'un point de vue pratique, en imposant à l'affilié établi à l'étranger de s'acquitter des cotisations en devise pour ne pouvoir, en corollaire, bénéficier de leurs prestations qu'en monnaie nationale, le régime d'affiliation volontaire n'en perd-il pas considérablement de son attractivité? En conclusion Si tels sont exposés à longs traits les avantages et les lacunes du décret du 18 octobre 2022 relatif à l'affiliation sociale des membres de la communauté nationale à l'étranger, il convient cependant, de souligner que les limites objectives imposées au texte règlementaire ne témoignent pas forcément d'un manque de clairvoyance de son rédacteur. Elles sont plutôt la conséquence logique de l'exigence imposée au décret de se conformer au principe de hiérarchie des normes, soit de s'intégrer de manière rigoureuse au cadre législatif du système national de sécurité sociale et de retraite (lois 83-11 et 83-12 du 2 juillet 1983). Quoi qu'il en soit, l'opportunité accordée à nos compatriotes établis à l'étranger de s'affilier au système national de retraite et de sécurité sociale n'en constitue pas moins une nouvelle «passerelle» qui s'établit entre l'Algérie et sa diaspora, autant qu'une invitation à ses enfants, par- delà les mers et les continents, au maintien du «lien» indéfectible qui les unit à leur pays d'origine.