L'Arabie saoudite a accueilli, hier soir, une importante réunion de neuf pays arabes centrée sur un possible rétablissement des relations avec la Syrie, après plus d'une décennie d'isolement diplomatique du régime de Bachar al-Assad et en pleine détente régionale avec l'Iran. Damas était isolé sur le plan diplomatique depuis le soulèvement en 2011 ayant déclenché un conflit dévastateur. Toujours exclue de la Ligue arabe, la Syrie a récemment reçu des signes de réchauffement de la part de plusieurs pays arabes dont les Emirats arabes unis, l'Egypte et la Tunisie. La rencontre d'hier a rassemblé à Djeddah, dans l'ouest de l'Arabie saoudite, les six pays du Conseil de coopération du Golfe (Bahreïn, Koweït, Oman, Qatar, Arabie saoudite et Emirats arabes unis) ainsi que l'Egypte, l'Irak et la Jordanie. Elle se déroule à cinq semaines du prochain sommet ordinaire de la Ligue arabe, prévu le 19 mai en Arabie saoudite. Chef de file des pays du Golfe, la riche monarchie pétrolière saoudienne avait rompu ses relations en 2012 avec Damas et même soutenu des groupes rebelles au début de la guerre civile, dans un pays devenu au fil du conflit un terrain d'affrontement entre forces étrangères. La guerre a fait environ un demi-million de morts tandis que près de la moitié des Syriens sont désormais des réfugiés ou des déplacés. Mais Riyadh a fait un pas diplomatique vers Damas fin mars. Et, deux jours avant la réunion à Jeddah, le ministre syrien des Affaires étrangères Fayçal Moqdad a été reçu mercredi par son homologue saoudien Fayçal ben Farhane, pour la première visite du genre depuis le début de la guerre. Dans un communiqué commun, les deux responsables ont évoqué l'objectif de «ramener la Syrie dans le giron arabe». Cette inflexion saoudienne s'inscrit dans une détente générale, alors que le royaume tente par ailleurs de se sortir de la guerre civile au Yémen, dans laquelle il est impliqué depuis 2015 pour appuyer les forces gouvernementales contre les rebelles Houthis, proches de l'Iran. Jeudi, une rare délégation saoudienne a quitté Sanaa sur un «accord préliminaire» de trêve avec les Houthis et la promesse de «nouveaux pourparlers», selon un responsable rebelle qui a souhaité garder l'anonymat. Et une vaste opération d'échange de prisonniers entre camps ennemis, dont des Saoudiens, a débuté hier. Cet activisme de l'Arabie saoudite intervient dans un contexte d'apaisement des tensions avec son grand rival régional, l'Iran, qui soutient bec et ongles le régime de Damas. Les deux poids lourds du Moyen-Orient avaient rompu leurs liens en 2016 après l'attaque de missions diplomatiques saoudiennes en Iran par des manifestants qui dénonçaient l'exécution dans le royaume d'un religieux chiite. En mars, l'Arabie saoudite et Téhéran ont conclu un accord inattendu, négocié par la Chine, en vue d'une reprise de leurs relations, et une visite à Riyadh du président iranien Ebrahim Raïssi est prévue fin avril. Les deux pays se sont engagés à oeuvrer ensemble pour «la sécurité et la stabilité de la région». Dans le même temps, le tremblement de terre du 6 février dernier en Syrie a constitué une occasion pour Damas de reprendre langue avec des pays arabes à travers le prisme de la solidarité humanitaire. Bachar al-Assad mise sur une pleine normalisation avec les riches monarchies du Golfe pour financer la reconstruction de son pays aux infrastructures ravagées par la guerre mais l'idée d'un retour de la Syrie dans le giron arabe ne fait pas l'unanimité. Ainsi, la réunion de Jeddah «vise à surmonter autant que possible les divergences du Golfe sur la Syrie», a affirmé un diplomate arabe à Riyadh. «Les Saoudiens essaient au moins de s'assurer que le Qatar ne s'opposera pas au retour de la Syrie dans la Ligue arabe», a-t-il ajouté. Le Qatar a salué le rétablissement des liens entre Riyadh et Téhéran mais reste hostile à la normalisation avec Bachar al-Assad. Jeudi, son Premier ministre a qualifié de «spéculations» les déclarations sur un retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe, jugeant que les raisons de son expulsion étaient toujours d'actualité.