L'Afrique représente un large continent possédant dans son sol des ressources naturelles et minières très importantes, mais qui sont ou-bien sous-exploitées ou bien mises sur le marché international à l'état quasiment brut. Malgré l'importance de ses ressources minières, il y a à peine une dizaine de compagnies minières publiques qui sont de rang international sur le continent: Debswana (diamant, Namibie), Gecamines (Cu-Co, RDC), OCP (phosphates, Maroc), Stamico (divers métaux, Tanzanie), ZCCM-IH (Cu, Zambie), ZMDC (diamant, or, Zimbabwe) et La compagnie des phosphates de Gafsa, Tunisie) (selon EcoFin Pro.). Etant donné l'importance des ressources minérales, plusieurs pays dont des africains ont plusieurs projets miniers sur le continent: Australie (202 projets dont 20 en production), Canada (141 projets dont 41 en production), Royaume-Uni (154 dont 52 en production), Afrique du Sud (68 dont 50 en production), Maroc (23 dont 18 en production), La Chine (19 dont 14 en production), France (4 dont 2 en production). Il y a une dynamique certaine pour que l'extraction et le traitement des ressources se fassent dans les pays, in situ, demandant plus de transparence et une mise en place de mécanismes inter-africains (vision minière africaine depuis 2009).Tout cela n'a pas abouti, une interaction de plusieurs pays extra-africains dans le domaine des mines et des infrastructures se fait entendre. Les guerres intestines, le terrorisme, la contrebande transnationale, participent ou encouragent le pillage des ressources surtout dans les filières de l'or, le coltan, le diamant et autres pierres précieuses, etc. Le nombre de travailleurs exerçant illégalement dans ces filières dépasse largement quelques millions, ajouté à cela tous les fléaux que cela engendre (misère, prostitution, esclavage, travail des enfants,..) dans les cités de fortunes bâties autour des exploitations illégales où les règles d'hygiène, de sécurité et de protection de l'environnement ne sont pas à l'ordre du jour des maffias locales et souvent transnationales qui manoeuvrent derrière. Des rapports produits par des organisations internationales montrent que ces filières de pillages agissent au grand jour. L'exemple de l'or produit artisanalement par des groupes illégaux se chiffrent à coup de milliards de dollars. L'effort d'exploration Depuis quelques temps, avec l'avènement des véhicules électriques, des high-techs et de la décarbonation qui font appel aux Terres Rares, le Lithium, le cobalt, etc. des programmes d'exploration ont été mis en oeuvre dans plusieurs pays d'Afrique pour faire face à ce rush mondial. L'effort d'exploration est relativement conséquent mais reste assez réduit par rapport à ce qui est dégagé comme budget dans plusieurs pays occidentaux. Ceci fait que des ressources importantes ont été découvertes en Afrique: Zimbabwe (producteur avec la mine de Bikita), Mali, RDC, Namibie, Nigéria, Ghana et Côte d'Ivoire pour les tterres rares et le Burindi (mine de Garaka),Ouganda, Tanzanie,Malawi, Mozambique, Afrique du Sud, Angola, Namibie et Mali pour le Lithium. Selon le journal Sputniknews Africa plus de 50% des gîtes africains de lithium sont entre les mains d'entreprises chinoises et plusieurs autres sont détenus par des compagnies australiennes. Entre 2005 et 2017, la Chine a investi 58 milliards de dollars dans les secteurs minier et énergétique en Afrique subsaharienne, selon l'Institut sud-africain des affaires internationales (Saha). Il faut noter aussi la présence des Emirats arabes qui veulent jouer un rôle sur le marché du traitement et de la production de concentrés d'un gisement de Namibie. Les britanniques sont de la partie pour exploiter le gisement de lithium de Bougouni (Mali) dès 2024. La Chine est aussi présente dans plusieurs projets d'or, de fer, de bauxite, sans oublier la réalisation de projets d'infrastructures de base dans plusieurs pays. Selon un expert du Centre d'études stratégiques de l'Afrique, qui relève du département de la Défense américain «Un grand projet d'infrastructure sur trois en Afrique est construit par des entreprises d'Etat chinoises, un sur cinq est financé par une banque institutionnelle chinoise»,. Pékin profite du vide laissé par le retrait des pays occidentaux, plus frileux à financer ces projets. «Les Chinois ont vu ce vide et ont décidé d'investir dans les infrastructures», remarque cet expert. En plus des terres rares, la Chine est de plus en plus présente en Afrique, à l'exemple dans le fer et la bauxite de Guinée qu'elle dispute avec l'Australie. 15 milliards de dollars ont été dégagés par la Chine pour l'exploitation du fer de Simandou (Guinée). Les USA ne veulent pas rester en marge de ce processus d'exploration et de développement des métaux stratégiques et critiques. Ils veulent faire leur entrée en Afrique à travers l'Arabie saoudite avec laequelle ils viennent de signer un protocole d'accord pour investir 15 milliards de dollars dans le secteur minier de ce continent. Largement distancé par la Chine dans ce domaine, Washington multiplie les partenariats avec la Zambie et la RDC notamment, dans le but d'obtenir les métaux indispensables à la transition énergétique. Ils sont aussi en discussion avec l'Ouganda pour participer à l'extraction du graphite nécessaire aux batteries des véhicules électriques. Désormais, l'Arabie saoudite veut avoir une place dans le monde de la transformation des ressources minérales nécessaires à la transition énergétique. À ce titre, la société minière saoudienne d'Etat, Ma'aden, devrait signer un accord de 2,6 milliards de dollars avec le plus grand minier du Brésil dès 2024. L'emprise de la Chine Les Emirats arabes unis viennent de signer un second accord de 1,9 milliard de dollars avec la RDC dans le but de mettre en place quatre mines industrielles d'or au grand dam de la société civile qui demande de réviser ces contrats qui accordent beaucoup de faveurs à ces entreprises émiraties. Le Maroc vient de signer avec la Chine un accord d'investissement de 2 milliards de dollars dans une chaîne de fabrication des batteries LFP et NMC au Maroc. La Chine qui détient de nombreuses entreprises activant dans le domaine des terres rares et de leurs transformations, prend les devants par leur regroupement en forme de Groupe des terres rares unique qui restera le seul interlocuteur. La fièvre des métaux stratégiques et critiques s'empare de plus en plus des pays industrialisés qui s'engagent directement ou indirectement dans le développement de gisements miniers en Afrique au vu de ses ressources minérales et du niveau de développement. Le continent africain est une arène où s'affrontent les intérêts des pays industrialisés et versés dans les hautes technologies. Les financements des infrastructures routières et ferroviaires sont aussi de la partie par la Chine et la Russie dans plusieurs pays. L'Europe reste loin derrière la Chine et les USA. Selon un document publié en 2020 (Europe-Afrique, quelles perspectives d'avenir), il y a un revirement géostratégique des relations entre l'Europe et l'Afrique au profit de la Chine et des USA. Ces deux derniers pays multiplient des initiatives financières et économiques envers l'Afrique depuis plusieurs années déjà. Des initiatives et des synérgies inter-africaines commencent à se révéler, avec la décision de mise en place d'un mégaprojet de batteries de véhicules électriques pour un montant de 30 milliards de dollars entre la RDC et la Zambie riches en cobalt, cuivre, etc. I-y-aura-t-il de suite et d'autres projets dans le cadre des stratégies nationales africaines et dans la Vision minière africaine? Pour terminer ce panorama, les Africains sauront-ils participer en tant qu'acteurs à leur développement ou resteraient-ils spectateurs, au stade de pourvoyeur des ressources (moyen de pression) pour les grandes puissances qui s'affronteront sur son territoire? *Géologue expert en ressources minérales [email protected]