Sulfureux, ce film donne, encore une fois, le ton de ces réalisateurs qui osent s'attaquer aux tabous et parlent clairement de sexualité. Etudiante en poésie soufie et danse orientale au Caire, Dunia, alias Hana Turk, est à la recherche d'elle-même et aspire à devenir danseuse professionnelle. Lors d'un concours, elle rencontre le séduisant Dr Beshir, interprété par l'artiste Mohamed Mounir, illustre penseur soufi et homme de lettres. Elle goûtera avec lui au plaisir des mots dans ses recherches sur l'extase dans la poésie soufie, et découvrira, dans ses bras, le plaisir des sens. Mais il lui faudra affronter la tradition, qui a détruit sa capacité au plaisir, pour pouvoir libérer son corps et danser avec son âme. Ceci est le synopsis de ce film égyptien sorti le 6 septembre dernier dans huit salles françaises. Réalisé par Jocelyne Saab (France/ Liban/Egypte), Dunia a été salué par la critique et qualifié d'«envoûtant» par le magazine Studio en l'occurrence. Dunia est présenté par le journal Le Monde, comme le symbole, à travers «cette jeune femme qui incarne pour le cinéaste les valeurs de la civilisation arabe: la sensualité, le plaisir, la mystique érotique du corps qu'il lui importe de ne pas laisser étouffer». Aussi, dans le long-métrage, la réalisatrice, Jocelyne Saab, aborde le sujet de l'excision à travers le personnage de Dunia, qui a subi cette mutilation génitale féminine. Jocelyne Saab a, par ailleurs, rencontré des difficultés pour obtenir une autorisation de tournage au Caire en raison du propos de son film qui aborde la sexualité de la femme, sujet tabou dans la société égyptienne. Elle a dû entre autres, aménager son scénario de telle sorte qu'il soit accepté par la censure. Elle a situé l'action du long métrage au moment où les textes des Mille et Une Nuits sont interdits de publication et retirés de la vente pour cause de pornographie, une réalité quasi quotidienne au Caire. Selon la réalisatrice, le film fera poser au spectateur occidental un regard neuf sur la société arabo-musulmane, car il casse l'image puritaine que l'on se fait aujourd'hui de cette société. «J'ai voulu porter un regard grâcieux sur l'Orient afin de lui restituer sa juste place aux yeux de l'Occident. Ce sont aujourd'hui deux cultures, deux civilisations qui s'affrontent par méconnaissance, se heurtent et ne s'invitent pas toujours à un échange, un dialogue qui serait fructueux pour tous». Film sulfureux, Dunia donne, encore une fois, le ton de ces réalisateurs qui osent s'attaquer aux tabous et parlent clairement de sexualité. Pour beaucoup, ce film arabe moderne se veut une façon d'affirmer une certaine réalité du monde arabe qui n'est plus celle épurée d'avant. Une réalité qui peut cependant être contestée et mise à débat. Reste à savoir, à qui peut s'adresser un tel film qui, de plus en plus et paradoxalement, s'éloigne du vécu pour faire vendre un phantasme d'une autre époque. Moins édulcorée certes, mais néanmoins toujours teintée d'un brin de cette rêverie orientale, très chère aux Ocidentaux. Soulignant cette réalité «moderne», la musique qui porte le film est, elle, volontairement mixte, mêlant les genres orientaux et occidentaux. C'est ainsi que Jocelyne Saab a voulu renouveler le genre du film musical égyptien. La musique instrumentale de la danse est, quant à elle, entièrement composée de percussions, mais aussi de rythmes de danse du ventre et de rythmes soufis. Le chorégraphe Walid Aouni a utilisé les éléments de la danse du ventre, le ballet moderne et les techniques soufies, élevant ainsi le statut de la danseuse orientale longtemps déconsidéré par la société. Le choix porté sur Mohamed Mounir, qui interprète le rôle de Beshir, n'est pas fortuit. Mohamed Mounir est un chanteur arabe connu. Surnommé «La Voix de l'Egypte» en raison de ses chansons à coloration politique et sociale, il puise ses inspirations dans divers registres musicaux arabes et africains. Il a participé à de nombreux longs métrages et à deux séries télévisées. Il a eu notamment à collaborer maintes fois avec Hamid Baroudi. Dunia a été présenté dans la sélection du Festival des Films du Monde à Montréal (2005), au Sundance Film Festival (2006, compétition mondiale) et au Festival international du cinéma, Costumes et Mode à Paris (2006).