Il aura fallu que le président Jacques Chirac assiste à l'avant-première du film Indigènes pour qu'il décide, enfin, de songer à la revalorisation des pensions des anciens combattants issus des anciennes colonies françaises. En effet, le mérite revient au réalisateur Rachid Bouchareb et à ses cinq acteurs principaux, qui ont profité, début septembre, de cette projection, pour remettre à M.Chirac, un texte demandant une «égalité de droits entre anciens combattants français et coloniaux». En dépit du caractère symbolique de la décision -puisque la plupart des tirailleurs sont morts- il reste que leurs compagnons encore en vie, et ils sont rares, assisteront quand même à leur réhabilitation. L'Etat français corrige ainsi une injustice manifeste, selon les termes du ministre délégué aux Anciens combattants, Hamlaoui Mékachera. Jacques Chirac, mû par des préoccupations humanistes, est décidé à aller plus loin. Il veut tendre à une égalité, et non plus seulement à l'équité, entre nos compatriotes et leurs camarades d'armes étrangers. Il y a une injustice manifeste, il faut la supprimer, a affirmé le ministre dans une interview accordée le 24 septembre au Journal du dimanche. Il convient de rappeler que Jacques Chirac avait fait la promesse de revaloriser les pensions de ces anciens combattants dès la campagne présidentielle de 1995, puis, une nouvelle fois, lors de celle de 2002. Avant de rendre hommage en 2004, à ces anciens combattants étrangers à l'occasion de la commémoration, à Toulon du débarquement en Provence, en présence du chef de l'Etat M.Abdelaziz Bouteflika. A l'époque, M.Chirac n'avait pas évoqué la question du gel de leurs pensions. Le litige est immense, à l'image du nombre de ses victimes. Plus de soixante ans d'attente et d'espoir. Selon l'historien français, Dominique Lormier, qui vient de publier C'est nous les Africains, l'épopée de l'armée française d'Afrique 1940-1945 sur les 550.000 hommes qui composaient l'armée de terre française, plus de la moitié sont originaires des colonies. On dénombre, ainsi, 134.000 Algériens, 73.000 Marocains, 26.000 Tunisiens et 92.000 d'Afrique Noire. Le conflit actuel porte sur le phénomène de la cristallisation (le gel) des pensions. A partir de la fin des années 50, au moment de la décolonisation, explique-t-il, le montant des pensions des ressortissants des anciennes colonies ayant servi dans l'administration ou l'armée française n'a plus connu d'indexation. Lors de son discours du 14 juillet, le président Chirac avait indiqué qu'il fallait poursuivre le mouvement de décristallisation. Il a récemment demandé au ministre des Finances, Thierry Breton, de se pencher sur le dossier. L'opération de régularisation débuterait, apprend-on de sources concordantes, dans les tout prochains jours. Une aubaine pour les héros de la Seconde Guerre mondiale, qui auront à percevoir, enfin, leurs droits, après six décennies d'attente. Aujourd'hui, selon les dernières estimations, les anciens combattants étrangers reçoivent, dans le meilleur des cas, 30% de la somme versée à leurs anciens collègues français.