Les expériences démontrent que le système d'aide internationale en vigueur est incohérent et imprévisible. Le week-end, le coordonnateur spécial pour l'Afrique à la Cnuced a présenté, à Paris, le rapport 2006 de son institution consacré à l'aide au développement. Tout en saluant les promesses faites par la communauté internationale de doubler l'aide publique au développement à l'Afrique d'ici 2010, le conférencier, Mr.Kamran Koussari, prévient que cela ne suffira pas pour induire de vrais changements en termes de réduction durable de la pauvreté. Il exposera dans ce sens les graves insuffisances dont souffre le régime actuel de l'aide et propose l' ébauche d'une «nouvelle architecture» de cette aide évaluée à un total de 27 milliards de dollars, dont 25 pour l'Afrique sub-saharienne. En effet, les expériences démontrent que le système d'aide internationale en vigueur est incohérent, imprévisible pour les pays bénéficiaires,mal coordonné et coûte de surcroît cher pour les deux parties. Les conditionnalités au plan politique et économique figurent parmi les principales carences de cette aide. L'on sait l'échec de l'expérience de l'ajustement structurel condition imposée par les institutions financières internationales, la pauvreté s'est accrue et la croissance n'a pas décollé. L'économiste de la Cnuced propose, donc une aide multilatéralisée et basée sur les priorités et préférences du pays bénéficiaire et non pas sur les désirs du pays donateur. On sait que les donateurs mettent beaucoup d'argent dans le social aux dépens du secteur agricole et du secteur de production. Des domaines du social deviennent parfois objet de concurrence entre pays donateurs. L'exemple de la Tanzanie est éloquent: 250 missions d'aide en même temps! De plus les fonds octroyés n'arrivent pas toujours aux intéressés car ils sont dans des larges proportions (60%) repris par le donateur qui doit assurer l'assistance technique (experts, missions sur le terrain). L'aide coûte cher aux pays bénéficiaires, cela parait paradoxal si l'on oublie qu'ils sont contraints de mettre en place une administration pour gérer cette aide. C'est sur la base de ces leçons que les experts de la cnuced proposent une sorte de Plan Marshall pour un doublement de l'aide au continent noir. Cette «grande poussée» ne sera évidemment possible que si les donateurs réussissent à déterminer les besoins des bénéficiaires et à homogénéiser leur aide. On estime, dans le cadre du Nepad, que l'Afrique devra combler chaque année un déficit de ressources de 64 milliards de dollars et l'on reconnaît que la majeure partie de l'augmentation devra provenir de l'étranger. Néanmoins il apparaîtrait que l'Afrique aura besoin de quelque 20 milliards de dollars d'aide supplémentaire, d'ici 2008-2010.Ce flux de ressources, s'il se confirme, doit toutefois être géré en amont et en aval. En premier, s'assurer que les ressources ne sont pas détournées par ce que l'on appelle «les régimes kleptocratiques» en place. Dans son rapport,l'organisation évoque une étude récente qui a révélé «que ce type de comportement des élites locales a eu un effet de distorsion sur la croissance au Kenya et en Mauritanie et dans une certaine mesure au Mozambique». Pourtant la corruption des dirigeants, dira le conférencier, ne doit pas priver le peuple de ressources supplémentaires. Dans la pratique en fait, tout dépendra des circonstances propres à chaque pays,et notamment de la solidité et de l'indépendance de l'administration locale, du degré de cohérence entre les objectifs des donateurs et ceux des bénéficiaires, ainsi que de la marge de manoeuvre disponible. L'exemple du plan Marshall, qu'il ne s'agit pas de copier, permet de privilégier la canalisation de l'aide par les arrangements multilatéraux qui soient moins exposés aux ingérences politiques des intervenants. L'aide ainsi restructurée, pourra être gérée par «un guichet placé sous l'égide de l'ONU et destiné à financer le développement en afrique. C'est du moins l'idée, que proposent les experts de la Cnuced, pour rendre efficace une aide, qui actuellement n'arrive pas toujours aux destinataires ciblés.»