Les terroristes et les factions rebelles alliées ont pris, hier, une partie d'Alep, la deuxième ville de Syrie, après une offensive-éclair contre les forces gouvernementales syriennes qui a fait plus de 300 morts, selon les informations d'une ONG basée à Londres. L'Observatoire syrien des droits de l'homme, basé en Grande-Bretagne et qui dispose d'un réseau de sources dans le pays, a aussi fait état de raids aériens russes nocturnes sur Alep, les premiers depuis 2016. Lancée mercredi, l'offensive des terroristes de Hayat Tahrir Al-Sham (HTS), dominé par Al-Nosra, l'ex-branche syrienne d'Al-Qaïda, et de leurs alliés, des rebelles proches de la Turquie, constitue un coup dur pour le pouvoir. Ces violences sont les premières de cette ampleur depuis plusieurs années en Syrie, où les hostilités avaient globalement cessé entre les belligérants soutenus par différentes puissances régionales et internationales aux intérêts divergents dans cette guerre dévastatrice déclenchée en 2011. Avec l'appui militaire crucial de la Russie, de l'Iran et du Hezbollah libanais, le gouvernement de Bachar Al-Assad a reconquis en 2015 le contrôle d'une grande partie du pays et, en 2016, la totalité de la ville d'Alep. Mais de vastes régions échappent encore à son contrôle: le HTS et ses alliés contrôlent des pans entiers de la province d'Idleb (nord-ouest) et des territoires dans la province voisine d'Alep, ainsi que des secteurs de Hama et Lattaquié. Et certaines régions du nord-est du pays sont aux mains des forces kurdes syriennes. Entrés vendredi à Alep, «le HTS et les factions alliées ont pris la majeure partie de la ville, des bâtiments gouvernementaux et des prisons», a indiqué l'OSDH. Sur place, terroristes et rebelles ont célébré leur entrée dans Alep, certains posant devant la citadelle historique, d'autres installant leur drapeau devant un poste de police arborant un grand portrait d'Al-Assad, selon des correspondants de presse sur place. L'armée syrienne a confirmé la présence de combattants dans de «larges parties» d'Alep et déploré des «dizaines» de morts et de blessés dans l'offensive des terroristes. Selon un dernier bilan de l'OSDH, 311 personnes ont été tuées depuis mercredi - 183 combattants du HTS et factions rebelles, 100 soldats syriens et membres des forces pro-gouvernementales ainsi que 28 civils. Des médias d'Etat ont fait état de 4 civils tués dans un bombardement sur une résidence d'étudiants à Alep, une ville de quelque 2 millions d'habitants et poumon historique du pays d'avant-guerre. «La plupart des civils restent chez eux et les institutions publiques et privées sont presque complètement fermées», a dit la radio pro-gouvernementale Sham FM. L'OSDH a déclaré que terroristes et rebelles, dont certains soutenus par la Turquie, avaient rapidement pris de vastes secteurs d'Alep sans rencontrer de résistance significative. «Il n'y a pas eu de combats» et les forces gouvernementales, ainsi que «le gouverneur d'Alep et les commandants de la police et de la sécurité se sont retirés du centre-ville», a-t-il ajouté. L'offensive a aussi permis aux terroristes et rebelles de conquérir au moins 50 localités dont la cité clé de Saraqeb, au sud d'Alep, à l'intersection de deux autoroutes reliant Damas à Alep et à Lattaquié, selon l'OSDH. «Les lignes du régime se sont effondrées à un rythme incroyable qui a pris tout le monde par surprise», estime Dareen Khalifa, experte de l'International Crisis Group. Le chef du pseudo-«gouvernement» proclamé par le HTS à Idleb, Mohammad Al-Bachir, a affirmé, jeudi passé, que l'offensive avait été lancée après que «le régime a massé des forces sur les lignes de front et bombardé les zones civiles». L'armée turque, qui contrôle plusieurs zones du Nord syrien, a appelé, vendredi, à mettre «fin» aux «attaques» sur Idleb et sa région après une série de raids des aviations russe et syrienne. L'armée russe a annoncé que son aviation avait bombardé des groupes «extrémistes». Le nord-ouest de la Syrie bénéficiait ces dernières années d'un calme précaire, rendu possible par un cessez-le-feu instauré après une offensive de l'armée syrienne en mars 2020 et parrainé par Moscou et Ankara. L'offensive terroriste a été déclenchée le jour où un accord de cessez-le-feu a été annoncé entre le Hezbollah et Israël, en guerre ouverte pendant plus de deux mois. Israël a bombardé également des sites du Hezbollah en Syrie. L'Iran, également un allié du Hezbollah, et la Russie, qui ont réitéré leur soutien au pouvoir syrien, ont aidé militairement la Syrie pendant la guerre civile, déclenchée en 2011. La guerre complexe en Syrie a fait un demi-million de morts et déplacé des millions de personnes.