Clap de début des 35es Journées cinématographiques de Carthage, une édition hivernale, pour le plus ancien festival arabo-africain imaginé, en 1966, par le père spirituel du cinéma tunisien, Tahar Chéria. Sa directrice artistique, Lamia Belkaïed Guiga, son président d'honneur, le cinéaste Ferid Boughedir, sont le binôme, bien inspiré, qui a concocté une copieuse programmation, rassemblant le meilleur du cinéma arabe et africain actuel. Outre les différentes sections, fiction documentaires, courts-métrages et cinéma national sont également inscrits sur les tablettes des festivaliers, trois «Focus» dédié au Sénégal, à la Jordanie et à la Palestine avec un programme spécial intitulé «La Palestine au cœur des JCC», agrémenté d'une rétrospective dédiée au Palestinien Hany Abou-Assad, Tanit d'Or 2014 avec Omar. L'ouverture du Festival a été marquée par la projection de Upshot de la Palestinienne Maha Haj, autrice d'un film poignant sur un traumatisme incommensurable que vit un couple, (incarné majestueusement par Mohammed Bakri et Areen Omari) retiré à la campagne après la mort de leurs cinq enfants au cours d'un bombardement de l'armée israélienne. Un beau portrait de deux âmes brisées. La grande caractéristique des JCC, à l'instar des éditions précédentes, est de rassembler, cette année également, chaque soir de très nombreux spectateurs assidus, fruit du travail effectué depuis des années par la Fédération tunisienne des ciné-clubs, fondée en 1949 par le même Tahar Cheria. Le public se presse aux projections des films tunisiens d'abord mais ne boude pas non plus les autres pays. Cela s'est notamment vérifié dès les premières séances dans la salle du 4e art, dédiée aux productions tunisiennes. Un lieu convivial qui accueille cinéma et théâtre contemporain. Et c'est Alerte à l'ouragan du Tunisien Brahim Letaïef qui donnera le la, avec un film choral qui décortique les travers de ses personnages dans une société en crise. Un huis-clos, le temps d'une nuit de tempête au cours de laquelle un frère et une sœur organisent un dîner pour des convives qui cherchent l'âme sœur. Mais est-on vraiment ce qu'on déclare être ? Brahim Letaïef entretiendra le suspense avec maestria. À la recherche de ma mère, un documentaire émouvant d'Anis Lassoued, racontera la quête de Moez, un jeune adolescent, 17 ans, élevé dans une famille d'accueil avec deux autres garçons. Formant ainsi une véritable fratrie. Moez n'a qu'une obsession : retrouver celle qui l'a mis au monde. Cette éprouvante démarche est accompagnée par le réalisateur qui suit Moez, tiraillé entre espoirs et désillusions dans un univers kafkaien. Un bel hommage aussi à ces associations qui, coûte que coûte, veillent à donner une chance à ces orphelins afin de bien démarrer dans la vie malgré l'abandon dont ils ont été l'objet. Une ovation a salué le film et son jeune protagoniste. À Merzak Allouache, il lui a été réservé, à ces JJC, la part du… Fennec, avec la présentation de son plus récent film Première Ligne et de son avant dernier Ce n'est rien, le réalisateur a également animé une master class, de belle tenue, à laquelle le public aura répondu présent en grand nombre. Il est à relever cette notable présence algérienne, toujours, avec notamment : L'Effacement de Karim Moussaoui après une sélection à la Mostra de Venise et Frantz Fanon d'Abdenour Zahzah, présenté à la Berlinale et au Cinéma du réel (Paris). Algiers, 196 mètres de Chakib Taleb-Bendiab, candidat algérien à l'Oscar du meilleur film international en janvier prochain complète cette sélection en compétition. Côté courts-métrages, Sans Vous de Najib Oulbessir, sur un scénario d'Anis Djaad et Derrière le soleil de Rayan Missirri sont annoncés. Nous y reviendrons. En attendant la fête du cinéma bat son plein dans les rues de Tunis et dans les casernes, les prisons et de nombreuses régions du territoire tunisien.