Dans les pays en développement, les causes d'anxiété sont multiples. Les plus évidentes concernent les failles du fonctionnement de la société, de ses institutions et de son économie. Elles génèrent une mêlée d'analyses, explications, préconisations qui fusent de partout sans réussir à calmer cette anxiété et à en tarir les sources. D'où une propension à contester, à critiquer, voire à discréditer ce qui émane des autorités. C'est également vrai dans notre pays où, de surcroît, des circonstances spécifiques ont engendré un assemblage de doute et de scepticisme qui a conduit à une érosion de l'intérêt pour les enjeux collectifs et les initiatives des gouvernants, aussi pertinentes soient-elles. Pourtant, le principe d'objectivité exige de reconnaître que celles qui émanent par exemple de la rencontre gouvernement- walis (24,25/12/2024) sont de nature à rassurer. Elles ouvrent en effet des horizons prometteurs en raison de l'intérêt porté à des sujets impactants comme la législation sur les partis, le dessalement de l'eau de mer, ou encore la renaissance de la planification. Celle-ci remonte à la fin des années 1960, à un moment où l'Algérie était aux prises avec la misère, le sous-équipement, la sous-administration, l'analphabétisme...Une Algérie persuadée que le combat pour l'indépendance n'est qu'une étape vers la bataille primordiale du développement qui faisait alors rage dans le tiers-monde; et que pour la gagner, il fallait organiser les synergies dans une approche destinée à guider les actions vers un but commun fixé au congrès de Tripoli (juin 1962). Cela a commencé par une série de 5 programmes transitoires (1962-1966), 12 programmes dits spéciaux touchant 8 wilayas et 4 daïras (1966-1972), ainsi que des «nomenclatures de wilaya» (décret 73-135). La planification proprement dite en tant que mise en cohérence par l'Etat de ses intentions et finalités, via des choix, une régulation et une coordination, n'est apparue qu'en 1967 avec un plan triennal (1967-1969), suivi par des plans communaux de développement (introduits par circulaire du secrétaire d'Etat au Plan en décembre 1972); 2 plans quadriennaux (1970-1978) et 2 plans quinquennaux (1980-1989). Mais le changement de cap de 1989 survenu sous l'effet de l'idéologie libérale, s'est traduit par un abandon de la planification (sauf en matière d'urbanisme) qui a conduit à confier le développement au hasard du marché, malgré ses imperfections qui étaient aussi manifestes que ses vertus. C'est ainsi que 5 programmes successifs (1990-2024) se sont substitués aux plans antérieurs sous diverses appellations: ajustement structurel; soutien à la relance; soutien à la croissance et autres programmes dits «présidentiels». Pourtant, aucun pays ni entreprise de l'époque contemporaine ne se sont passés de planification. Qu'elle soit indicative ou impérative, son principe est de définir une vision, d'établir une stratégie, de maîtriser l'information, de favoriser la concertation, d'orienter, de prévoir et d'évaluer. L'approche impérative ayant partout échoué, le plan indicatif prend davantage de valeur parce que l'intérêt collectif ne peut pas être laissé aux seules indications du marché, c'est-à-dire aux intérêts particuliers. Nos gouvernants ne l'ignorent pas qui ont décidé de la renaissance des Plans communaux de développement (PCD), c'est-à-dire du retour de la planification au niveau de la commune, cellule de base de l'Etat. La pertinence de cette décision est d'autant plus évidente que les PCD ont une histoire instructive. Ce fut d'abord un engagement envers l'Algérie profonde, dont le pouvoir colonial n'a commencé à se préoccuper que trop tardivement (1955) avec les SAS, héritières des Bureaux arabes de 1844, investies d'un rôle soi-disant économique et social (décret du 2/9/1959, Jorf), ainsi qu'avec le Plan de Constantine (1958) et ses DEL (Dépenses d'équipement local). Ce fut aussi une riche expérience qui, d'entrée de jeu, a pris la forme de trois sous-plans dédiés respectivement à l'agriculture, aux communes semi-urbaines et aux grandes agglomérations urbaines (circulaire de 1972), lesquels sous-plans seront vite intégrés en un seul, dit plan communal (circulaires de 1974 et 1975). L'idée était de créer un cadre pour l'implication de la base dans le processus du développement local, depuis l'identification des problèmes à résoudre et des priorités jusqu'à la mise en oeuvre, en passant par le débat sur des sujets concrets; l'information; l'optimisation des contenus; la définition des objectifs; la programmation et la formation des élus à une démarche de long terme. Enfin, les PCD illustrent le fait que la planification ne se conçoit pas seulement à l'échelle de l'Etat, d'un ministère ou d'une macro entreprise, mais qu'elle peut concerner aussi de petites entités comme la commune, sans pour autant contrarier la vision d'ensemble du gouvernement. Et que les opinions locales sont utiles pour la documentation, les financements et les calendriers d'exécution. À cet aspect éminemment pédagogique des PCD, se greffe une fonction significative d'impulsion de la démocratie participative souhaitée par les élus locaux. Pour toutes ces raisons, la renaissance des PCD constitue indéniablement un des actes fondateurs de la «Nouvelle Algérie» projetée au plus haut niveau de l'Etat. -*Membre du Conseil de la nation