Le président français rejette l'unilatéralisme du gouvernement Bayrou sur le dossier des Accords de 1968, brandi par le Premier ministre. «On ne va pas les dénoncer de manière unilatérale. Ça n'a aucun sens.» Ainsi, Emmanuel Macron annule, de fait, l'ultimatum que Bayrou a lancé à l'endroit de l'Algérie. En répondant à une question sur les relations algéro-françaises, lors d'une conférence de presse au Portugal, Emmanuel Macron a clairement désavoué les résultats dudit comité interministériel dans leur volet consacré à l'Algérie, 24 heures après leur prononcé. La sortie du chef de l'Etat français intervient également au lendemain de la sévère mise en garde d'Alger. Ses propos tranchaient avec l'amateurisme du gouvernement sur un dossier qui devrait relever de la compétence de l'Elysée et du Quai d'Orsay. Emmanuel Macron notera dans sa réponse: «Notre pays mérite quand on parle de sa sécurité», c'est faire montre d'«une culture du résultat et de l'efficacité». À travers sa déclaration, Macron corrige Retailleau et remet les pendules à l'heure. Cette sortie médiatico-politique était certainement destinée à capter l'intérêt des opinions française et algérienne. Mais l'événement mondial et sans précédent, celui du face-à-face Trump-Zelensky, a quelque peu occulté le propos du président français malgré sa pertinence. Ajouté à cela la diffusion tardive par l'ambassade de France à Alger du document relatant la partie de la conférence de presse en rapport avec la crise algéro-française a empêché la presse nationale de rendre compte de ce qui apparaît comme un premier signe de désescalade de la part de Paris depuis l'apparition des tensions entre les deux pays. L'un des enseignements à tirer de cette déclaration présidentielle est le rejet net de toute idée d'«ultimatum». Macron rejoint donc la position du ministère algérien des Affaires étrangères et recadre un Bayrou en contradiction avec la real politique. Retenons aussi du propos du président français une leçon adressée à son Premier ministre. Il a éludé les Accords de 68 et évoqué les «accords de 94», dont il dira que lui et son homologue algérien avaient «lancé un mouvement pour les moderniser». Et pour rompre avec l'esprit unilatéral et la logique de l'ultimatum, il préconise de le faire «en bon ordre», dans le dialogue avec le président Tebboune. «Je pense que les choses se font bien quand elles se font avec exigence, avec engagement», affirme-t-il, non sans ajouter qu'il ne faut pas que ces «choses» «fassent l'objet de jeux politiques». Faisait-il allusion à l'extrême droite, qui fait une fixation sur les Accords de 68? En tout état de cause, dans ses rapports avec le président Tebboune, Macron a usé d'une sémantique politique appropriée. Il a, au passage, réaffirmé que l'Elysée a effectivement le dernier mot sur le dossier des relations de son pays avec l'Algérie. «J'ai bien entendu les mots du président Tebboune et je souhaite qu'il y ait maintenant un travail de fond qui soit réengagé», a indiqué le président Macron en écho au propos du président Tebboune dans son entretien au journal français L'Opinion, à des déclarations fortes à faire pour éviter une rupture des relations entre les deux pays. Il avait dit: «Ce n'est pas à moi de les faire. Pour moi, la République française, c'est débord son Président» Le «j'ai bien entendu les mots du président Tebboune» constitue-t-il le début de la fin de la crise? Il est difficile de répondre à cette question, à ce stade, mais on retiendra dans les réponses de Macron une invitation à outrepasser les humeurs et les états d'âme pour dialoguer, non pas à travers la presse, mais dans un échange face-à-face. «On ne peut pas se parler par voie de presse. C'est ridicule. Ça ne marche jamais comme ça.» L'opinion algérienne prend acte de l'évolution du dossier dans le sens de l'apaisement. L'appel au dialogue du président français est de nature à freiner l'élan du clan des jusqu'au-boutistes qui ont pris en otage le discours français sur l'Algérie.