L'œuvre du grand écrivain algérien Mohammed Dib sera au centre d'un numéro spécial de la revue Turath N°5, édité par le Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Crasc) d'Oran. À cet effet, un appel à contribution vient d'être lancé par le comité scientifique de cette publication que coordonne Lakhdar Barka Sidi Mohamed. Le thème générique de ce numéro spécial sera : « Mohammed Dib, : du paradigme de la matrice originelle ». Dans l'appel à communication en question, le comité directeur rappelle que Mohammed Dib appartient à ses lecteurs et certainement plus à son temps, à une Histoire commune et partagée des deux communautés de lecteurs qui peuvent légitimement le revendiquer comme leur héritage patrimonial. Cette lecture est basée sur une citation de Mohammed Dib selon laquelle, s'agissant des œuvres romanesques, ou dramatiques, le dernier mot comme de juste n'appartient pas à l'auteur, mais au lecteur, au spectateur ; un dernier mot, cela va de soi, différent d'un lecteur à l'autre, d'un spectateur à l'autre. Dans le même appel, on rappelle que Mohammed Dib, lui-même déchiré, représente une énigme littéraire, un drame humain que les générations futures se doivent de reconnaître et ensuite connaître : son œuvre aussi énigmatique que belle de subtilité et de raffinement stylistique transcrit en un verbe, émotionnellement prégnant, un moment social et historique qui à ce jour, n'a pas fini de nous interpeller, le texte littéraire étant par essence ouvert à d'infinis horizons de lecture. « Il serait vain de vouloir présenter en quelques lignes l'écrivain prolifique et d'une profondeur allégorique abyssale », est-il précisé. Avant d'ajouter : « Certes, tout ou presque a été dit, écrit et/ou interprété sur ses écrits, mais à l'assujettissement (sans jugement de valeur !) de son exil linguistique correspondait la liberté de parole d'une part, et la liberté trans-générique, d'autre part, comme il l'a définie lui-même Il fallait donc trouver une manière d'écrire aléatoire également, où le sens se déplace sans arrêt, où le sens n'est pas contenu dans le mot lui-même – n'est pas enfermé dans un mot ou dans une phrase – où le sens se balade sans arrêt ». Dans le même appel à contribution, on note que les lecteurs de l'hémisphère nord de la Méditerranée ont beaucoup à dire sur ce qui s'exprime dans leur langue, mais il se trouve que son passé colonial et spécifiquement algérien, donne à cette langue aussi, l'immense possibilité d'exprimer d'autres visions de champs humains et culturels que les lecteurs de l'hémisphère sud de ses lecteurs peuvent percevoir. « Les cultures qu'elle peut exprimer ne sont pas coextensives de la totalité de ses registres sociolinguistiques, richesse de la diversité sociale », ajoute-t-on. L'ambition de cette revue ne se limite pas donc à seulement relire Dib en dehors de la catégorie littéraire codifiée dans laquelle il a été enchâssé, mais de le repenser dans la matrice originelle, « quitte à re-codifier la réalité discursive inhérente au système de la langue empruntée ». Cet auteur est né, a grandi et vécu dans une ville particulièrement remarquable et remarquée pour son histoire arabo-musulmane, espace-moment qui ne le quittera jamais, est-il encore rappelé. « Cette réalité n'a pas été totalement niée, mais elle a souvent été interprétée selon une réalité discursive », déplore-t-on : la bi-culturalité de Mohammed Dib relève aussi de la réalité historique. Ce numéro de Turath consacré à Mohammed Dib, est une invitation à tous ses lecteurs et chercheurs potentiels persuadés d'une dimension énigmatique encore à saisir dans son œuvre, pour lui redonner un sens, peut-être nouveau ou au moins différent une fois transcrit dans son contexte endogène », conclut-on.