Le président par intérim syrien, Ahmad al-Chareh, a salué jeudi la déclaration constitutionnelle comme «une nouvelle page de l'histoire» du pays, lors de la cérémonie de signature du document qui fixe une période transitoire de cinq ans, tout en garantissant la liberté d'expression et les droits des femmes, entre autres. «C'est une nouvelle page de l'histoire de la Syrie, où nous remplaçons l'injustice par la justice (...) et la souffrance par la miséricorde», a-t-il déclaré au terme de la lecture du document par le porte-parole du comité chargé de la rédaction de cette déclaration constitutionnelle. Aussitôt, l'administration autonome kurde a formulé de vives critiques en affirmant que le texte «contredit la réalité de la Syrie et sa diversité». Il «ne reflète pas l'esprit du peuple syrien et de ses différentes composantes, des Kurdes aux Arabes, en passant par les Syriaques, les Assyriens et les autres composantes nationales syriennes», a-t-elle souligné à l'adresse du nouveau pouvoir qui a pris Damas le 8 décembre et provoqué la chute de l'ex-président Bachar al-Assad. Il est désormais incarné par la coalition rebelle proche de la Turquie et par le groupe islamiste radical dominant Hayat Tahrir al-Shem (HTS) dont Ahmad al-Chareh est le chef. Une fois maîtres du pays, les nouveaux dirigeants ont aboli la Constitution et dissous le Parlement ainsi que le parti Baas majoritaire. En janvier, Al-Chareh désigné président par intérim déclare qu'il faudra quatre à cinq ans pour organiser des élections dans une Syrie assoiffée de liberté. La signature de la nouvelle déclaration constitutionnelle intervient au moment où de graves massacres ont été commis dans l'Ouest de la Syrie, visant les régions alaouites dont est originaire le président déchu Bachar al-Assad. Les exactions, documentées par l'Observatoire syrien des droits de l'homme (Osdh) et des organisations onusiennes ont été déclenchées par des attaques de partisans d'al-Assad, dans la province de Lattaquié, conduisant les forces de sécurité et les groupes rebelles affiliés partis du bastion d'Idlib, à la frontière turco-syrienne à de nombreuses exécutions sommaires ayant fait 1 476 morts, selon le dernier bilan livré par l'Osdh. «Rien ne peut justifier le meurtre de civils (...) Il doit y avoir une enquête crédible, indépendante et impartiale sur ces violations, et les responsables de ces actes doivent rendre des comptes», a observé jeudi le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres. La nouvelle déclaration constitutionnelle, présentée au cours d'une conférence de presse tenue au palais présidentiel, à Damas, fixe une séparation stricte des pouvoirs. Un membre du comité de rédaction, Abdel Hamid al-Awak, a assuré, par la même occasion, qu'une commission électorale supérieure doit être mise en place pour superviser les élections du Parlement. La déclaration constitutionnelle confère au président intérimaire le pouvoir de «désigner un tiers» des membres de la future assemblée, «seule responsable du processus législatif». Le chef de l'Etat détient le pouvoir exécutif et décrète si nécessaire l'état d'urgence. Surtout, la jurisprudence islamique (Chariaa) devient la «source principale» des lois et de leur application, même si le document garantit «un large éventail de droits et de libertés, notamment la liberté d'opinion, d'expression, de la presse». La mise en oeuvre risque de vite se heurter à de fortes résistances des diverses communautés syriennes, les Kurdes ayant été les premiers à manifester leur méfiance.