‘'Territoires contre paix'', ‘'échange'' de prisonniers, voilà un langage qu'on n'a pas coutume d'entendre chez les Israéliens. Dans une déclaration faite lundi, à l'occasion d'une cérémonie à la mémoire du premier président d'Israël, David Ben Gourion, le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, en nette perte de vitesse, a innové en usant pour une fois du langage de la raison. Reste à savoir si cette approche de la solution du contentieux israélo-palestinien sera durable ou survivra le temps de permettre à M Olmert -en chute de popularité depuis la guerre imposée au Liban en juillet-août dernier- de rebondir auprès de ses partenaires politiques israéliens? Lors de la cérémonie qui s'est tenue à Sdé Boker (au sud d'Israël) Ehud Olmert, s'adressant à l'évidence aux Palestiniens, déclara: «Je vous propose de nous engager dans une nouvelle voie. Nous avons commencé avant-hier (samedi)», en référence au cessez-le-feu signé entre l'Autorité palestinienne et le gouvernement israélien. L'initiative du Premier ministre israélien, si elle a une suite concrète sur le terrain, pourrait alors relancer le dialogue israélo-palestinien gelé depuis de nombreuses années, depuis pratiquement 1996 quand le gouvernement de Benjamin Netanyahu décida, unilatéralement, le gel du transfert des territoires aux Palestiniens, dans le cadre des accords d'Oslo de 1993. Donc depuis plus de dix ans, la région du Proche-Orient vit dans la violence du fait du refus d'Israël de s'engager dans de véritables négociations avec les Palestiniens dont l'aboutissement ne pouvait être que l'échange de territoires contre la paix, ce qu'Olmert a proposé lundi aux Palestiniens. Or, les Arabes n'ont cessé de mettre en avant, au moins depuis le sommet de Beyrouth de 2002 qui a été axé justement sur cet aspect du conflit en proposant aux Israéliens l'échange des «territoires contre la paix», l'offre de paix que le Premier ministre de l'époque, Ariel Sharon rejeta sèchement. Ehud Olmert a, ainsi, promis que dans le «cadre d'un accord de paix», Israël serait disposé à se «retirer de nombreux territoires et des implantations qui y ont été érigées» en vue de la constitution d'un «Etat palestinien indépendant et viable». Mais un Etat palestinien peut-il être «viable» sans le retrait de l'armée d'occupation israélienne au-delà de la ligne verte, frontière de facto avant la guerre de juin 1967? Aussi, les nouvelles intentions «pacifistes» de M.Olmert demandent à être examinées et auront du sens si celui-ci s'appuie en priorité sur les résolutions de l'ONU (242 de 1967 et 338 de 1973 notamment) et sur les accords existants d'Oslo (accords israélo-palestiniens qu'Israël a enterrés alors même que l'Etat hébreu exige de Hamas de les respecter), conditions sine qua non en vue de la réalisation d'une paix durable entre Palestiniens et Israéliens. D'ailleurs, dans une première réaction, le principal négociateur palestinien, Saëb Errakat a indiqué que les Palestiniens étaient entièrement prêts à engager des négociations sur le statut final des territoires occupés, portant sur le sort de Jérusalem, des colonies, des réfugiés et des frontières soulignant toutefois, «si Israël veut reprendre les négociations, il connaît l'adresse: c'est le président élu du peuple palestinien Mahmoud Abbas» En effet, les instruments pour instaurer la paix dans les territoires palestiniens, et à même d'assurer la sécurité de l'Etat hébreu, existent et il appartient en premier lieu aux dirigeants et au gouvernement israéliens de savoir ce qu'ils veulent car la paix n'est concevable que par le retrait de l'armée israélienne des territoires palestiniens, y compris Jérusalem-Est. Comme la force militaire n'a pas solutionné le conflit israélo-palestinien, toute vision qui ne prend pas en compte les droits des Palestiniens, outre à l'édification de leur Etat indépendant, serait caduque et vouée à l'échec. Or, depuis des décennies, Israël a échoué à imposer sa version de la paix, qui ignore les droits des Palestiniens sans pour autant céder les territoires. En évoquant pour la première fois, la possibilité d'un échange de territoires contre la paix, le Premier ministre israélien a, sans doute, fait un pas positif, reste cependant à concrétiser ce pas par l'engagement de négociations sérieuses avec les Palestiniens, et comme le fait remarquer M.Errakat, Israël sait parfaitement à qui s'adresser pour ce faire. Et si réellement Israël veut maintenant la paix, il faudra également qu'il accepte une force d'interposition internationale aux frontières entre les deux entités, ne serait-ce que pour surveiller le cessez-le-feu. Ce à quoi Israël s'oppose depuis toujours afin de ne pas officialiser ses frontières avec le futur Etat de Palestine. Aussi, plus que jamais, c'est à Israël, puissance occupante - un fait qu'il convient de ne jamais perdre de vue -de donner des gages de sa bonne volonté. Les Etats-Unis, amis et soutiens d'Israël, peuvent, puissamment, aider l'Etat hébreu à faire les bons choix, mais encore faut-il que Washington ait la volonté de dépasser les oukases de son protégé israélien, pour imposer une paix juste, correcte et équitable entre les deux parties? Mais cette volonté à imposer une paix véritable existe-t-elle réellement de la part des Etats-Unis qui n'ont cessé d'exciper du «droit» d'Israël à se défendre, sans jamais, ne serait-ce qu'une seule fois, dire de la même manière le «droit» des Palestiniens de résister à l'occupation étrangère comme les y autorisent le droit et les lois internationaux? Aussi, la paix au Proche-Orient dépend d'Israël et seulement d'Israël, et si Israël veut la paix il sait exactement ce qu'il a à faire: se conformer aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité de l'ONU.