II est des gens dont la quotidienneté est tournée entièrement vers les actions de bienfaisance et qui, malgré les aléas de la vie, continuent dans cette voie. La famille Si Salah de Boghni est justement de ces familles qui conjuguent dans le silence et l'anonymat les actions caritatives et ce, depuis des générations. A Boghni, cette famille est estimée et respectée, d'abord pour son comportement et ensuite, pour ses actions au profit de la veuve et de l'orphelin. Les mettre en lumière, dire un peu de leurs actions charitables envers notamment l'enfance, c'est peut-être leur rendre une certaine justice et aussi dire que malgré tout ce que l'on peut dire, la bonté, la générosité et aussi l'amour du bien ne sont pas des paroles vaines Tournée vers le bien La famille Si Salah, très connue sur la place et même plus loin encore, est totalement tournée vers le bien. Cette famille a toujours laissé sa porte ouverte pour les veuves, les orphelins et les laissés-pour-compte, il ne saurait se trouver un être dans le besoin frappant à sa porte et qui soit renvoyé. Loin de là. On lui ouvre la porte, on se serre un brin, on lui fait la place et sans bruit, on fait en sorte que la vie continue. Actuellement, la famille Si Salah abrite une quarantaine d'enfants dont sept orphelins en bas âge. Si El Bachir, le maître de maison et son épouse, une grande dame, sont aux petits soins pour ces petits. Les enfants occupent pratiquement toutes les pièces de la maison et jamais, au grand jamais, personne n'a songé à leur dire qu'ils sont de trop. Bien au contraire ce sont des êtres humains et ils sont si chétifs et si frêles, ils ont besoin d'amour et de protection et notre passage sur terre est illuminé justement par ces petits actes de bien qu'on peut faire”, dira Si El Bachir. Cette famille, dont les rentes proviennent essentiellement de l'exploitation de terres léguées par les ancêtres dont le grand-père, une figure connue et reconnue dans la région, était le serviteur et le gestionnaire de la zaouia de Sidi Abderrahmane El Guechtouli El Djerdjeri, le fondateur de la voie Rahmania. Donc ce grand marabout au sens plein du terme, feu Cheikh Tayeb, a contribué grandement à la réouverture de cette zaouia en 1926 et l'avait gérée et prise en charge depuis cette année jusqu'au jour de son décès, le 28 avril 1958. Cette famille donc, continue aujourd'hui l'oeuvre de ce grand homme. II se trouve, cependant, que la famille Si Salah, dont tout le monde parle avec beaucoup de respect, tant les citoyens que les autorités qui finalement se sont aperçus de ce que font ces gens dans l'ombre et qui n'attendent ni remerciements ni médaille, vit actuellement un problème lié sans doute à la bureaucratie. C'est ainsi que Si El Bachir en s'excusant presque de parler de cela, nous dit: «On a un petit problème de terrain....C'est-à-dire que notre terrain sis à Aïn Zaouia d'environ 8000 m² a été, par délibération de l'APC de cette commune, versé dans les réserves foncières. Ce terrain a été estimé par ces mêmes services à 8 millions de DA et ce, en 1997. Or, à ce jour, la commune ne nous a pas régularisés. Nous demandons, soit la régularisation, soit encore que la commune prononce la main-levée sur ce terrain. Nous ne disons rien sur l'actuel stade pris également sur nos terres, des terres, faut-il le dire en passant, léguées par notre grand-père et achetées en bonne et due forme, et ce, en 1910!» Ces terres de rapport sont en fait la seule ressource de cette famiile, ressource qui profite surtout à ces orphelins qui sont abrités par elle. La famille Si Salah n'a, en tout et pour tout, reçu comme aides que deux subventions de la part des services publics et le ministre de la Solidarité a bien fait un don consistant en literie, couvertures et autres effets vestimentaires mais depuis rien. Si El Bachir dira que «des âmes charitables nous aident à l'occasion. II nous faut, et le dire et les remercier, même si la plupart veulent garder l'anonymat. Dieu leur rendra ces bienfaits!» Sans tambour, ni trompette La famille Si Salah ne veut pas être une sorte de vitrine, ce qu'elle fait, elle le fait dans l'esprit d'entraide et dans la pure observance des commandements de Dieu. Elle ne cherche ni médaille ni publicité, elle travaille dans l'ombre, une ombre qui sied aux grandes oeuvres. Si El Bachir a d'ailleurs une sainte horreur de toute parlotte: «Il vaut mieux réfléchir comment donner à ces êtres les moyens d'affronter la vie qui est si difficile», explique-t-il. Son attente est simple elle se résume en quelques mots: «Que l'on nous solutionne ce problème de terrain et qu'on nous donne nos droits, c'est tout, et si par inadvertance, l'Etat ou des particuliers veulent aider ces enfants, ils savent comment faire!» Pour l'heure, il est vrai, que le budget de cette famille est assez serré mais personne et surtout pas Si El Bachir ne vous dira que les fonds et autres besoins manquent, c'est tout juste s'il condescend à répliquer «Dieu y pourvoira.» A Boghni, on a essayé de parler de cette famille à des citoyens. Tous vous répondent «Axxam n'Cheikh c'est connu depuis toujours, c'est la bouée de sauvetage pour tous les malheureux! C'est pratiquement Dar Errahma avant l'heure!» D'autres personnes ont voulu préciser que «ce qu'il y a de noble dans cette démarche, c'est le fait, que non seulement ces enfants sont recueillis, mais en plus d'être logés, nourris et protégés, ils sont scolarisés.» Tous disent que c'est pratiquement une tradition pour cette famille depuis la nuit des temps. «Même en pleine guerre de Libération, Axxam n'Cheikh n'a jamais cessé d'être une oasis pour les âmes en peine et pour les démunis. On arrive, on prend place et personne ne vous dit quoi que ce soit. Les enfants et surtout les orphelins et même les autres, ont toujours trouvé un toit et une protection en ces lieux.» Sans réelle aide, comptant seulement sur ces rares subventions des services de l'Etat et sur la charité de quelques nantis, une famille fait face aux difficultés de la vie pour essayer de rendre le sourire aux enfants orphelins et à la veuve esseulée. Cette famille qui a un problème de terrain attend qu'on lui règle cela, car cette rente participera au budget de cette immense oeuvre. Elle a frappé à toutes les portes, en vain, et se confie aujourd'hui au journal en espérant que l'on réagisse et qu'on lui permette de continuer dans la voie de Dieu et du bien. Les pouvoirs publics se doivent de réagir, il y va non seulement d'un droit à rétablir mais d'une aide en vue de continuer à faire fleurir le sourire sur les visages de ces orphelins.