Actuellement réfugié au nord du Mali, où il compte de nombreux soutiens, Ben Mokhtar constitue-t-il déjà une cible pour Al Qaîda? Après une semi-retraite qui a failli engloutir dans le fin fond du désert son passé de terroriste recherché, le nom de Mokhtar Ben Mokhtar est remonté à la surface, sans que personne n'arrive encore à cerner, de façon claire et précise, les contours d'une telle médiatisation. Si l'on se fie aux communiqués publiés par la presse, ce chef terroriste aurait dénoncé les attentats meurtriers du 11 avril 2007, revendiqués par la phalange d'Al Qaîda au Maghreb islamique. En termes politiques et sécuritaires, quelle valeur pourrait-on accorder à cette dénonciation? En 1996, Ben Mokhtar s'était démarqué des hordes du GIA, mais cela a-t-il empêché, pour autant, les psychopathes à la solde de Zouabri de continuer à commettre les plus abominables crimes? Il est donc bien clair que Laouar, «le borgne», comme on le surnomme dans son fief de toujours, situé entre Ghardaïa et El Menéa, a tout simplement exprimé le désir de nouer le contact avec les autorités militaires. Le message n'était pas aussi codé que cela. Et dans la foulée, des réactions multiples et parfois contradictoires au phénomène kamikaze, des sources crédibles se sont relayées pour faire dire au chef terroriste, reconverti à la grande contrebande, qu'ils étaient contre la mainmise d'Al Qaîda sur les réseaux armés du Gspc en Algérie. Surprenant, ce soudain intérêt pour un chef terroriste. A El Menéa, gros bourg situé à quelque 270km au sud du chef-lieu de la wilaya de Ghardaïa, dominé et régi par les barons de la contrebande depuis pratiquement les années 70, on raconte que Laouar est même doté de pouvoirs surnaturels. Aussi surréaliste que cela puisse paraître, il a été annoncé en même temps dans deux lieux différents à des centaines de kilomètres d'intervalle. Au fait, Ben Mokhtar aurait des complices dans l'erg de Talmine (Adrar), à Ouled Aïssa au nord de Timimoun, et à Kenadsa aux environs de Béchar, ville-transit pour les candidats à l'immigration clandestine de personnes originaires d'Afrique subsaharienne. Ces points du territoire du Grand-Sud permettent aux mercenaires embrigadés de disposer de caches pour les véhicules volés à l'étranger. A El Menéa, la Marlboro connexion existait bien avant la naissance de Ben Mokhtar. Elle est née dans le giron du commerce de troc avec les pays du Sahel et a pris l'essor avec le transit de véhicules d'occasion ramenés de France et vendus au Niger par des Algériens. Sans donner la moindre preuve, beaucoup pensent que Ben Mokhtar avait été acquis aux idées islamistes, mais rares sont ceux qui connaissent exactement son cheminement, la nature de ses relations avec El Para et Hattab ou sa décision de se démarquer de Droukdel, n°1 du Gspc, terré dans les maquis de Boumerdès. Où était Ben Mokhtar lorsque la situation sécuritaire s'était subitement détériorée dans la zone qui va de Metlili, dans la wilaya de Ghardaïa, aux confins de la wilaya d'El Bayadh, en 2002? Son éventuelle reddition, présentée comme un événement de première main, va-t-elle réellement soustraire à Al Qaîda une carte maîtresse? Actuellement réfugié au nord du Mali, où il compte de nombreux soutiens, Ben mokhtar constitue-t-il déjà une cible pour Al Qaîda? Ce qui n'est qu'une hypothèse, pour l'heure, pourrait être un objectif pour Al Qaîda. Ce qui est sûr, la nébuleuse cherche à l'isoler. En tout cas, qu'il s'agisse de disparition ou de reddition, Droukdel aura du mal à élargir son autorité jusqu'au territoire saharien où ni Hattab ni El Para n ‘ont réussi à avoir la moindre chance. Il ne pourra jamais atteindre la connaissance du Sud où Mokhtar Ben Mokhtar dirigeait de vastes réseaux de soutien qui lui obéissaient au doigt et à l'oeil. L'énigme Mokhtar Ben Mokhtar, vu sa parfaite connaissance des frontières par les sentiers du «sel» connus et fréquentés par les Touareg, il était, un jour, au Niger, un autre au Mali ou même en Libye pour traiter ses marchés. Les services de sécurité sont engagés dans une course contre la montre afin d'asseoir leur suprématie, une course qui intéresse aussi les ennemis de l'Algérie. Ceux-là ne vont pas hésiter à brouiller les cartes si l'occasion se présente. Et Mokhtar Ben Mokhtar est, apparemment, une très bonne occasion. Mais irions-nous jusqu'à dire que sa tête pourrait être mise à prix par Al Qaîda? Après tout, il pourrait être considéré comme renégat et apostat par Aymen zawahiri. Même si l'ascension de cet individu dans la pyramide terroriste laisse perplexe, l'annonce de sa reddition pourrait changer beaucoup de paramètres. A commencer par l'avenir d'Al Qaîda au maghreb.