On est en train de briser l'élan qui veut faire profiter le football des revenus de son propre spectacle. A deux jours de la finale de la Coupe d'Algérie entre l'USM Alger et le Mouloudia d'Alger, la fièvre s'est emparée des rues de la capitale. Il n'existe plus un endroit où vous ne trouverez pas d'immenses banderoles aux couleurs des deux clubs déployées entre deux immeubles qui se font face. A ce jeu-là l'USMA ne «fait pas le poids» devant son adversaire sachant que ce dernier est connu pour être le plus populaire du pays. Les supporters de l'équipe des Rouge et Noir ont même besoin de «l'appui» de leurs collègues d'autres clubs de la capitale pour essayer de réduire un tel handicap. A Belouizdad, par exemple, on trouve bien des banderoles aux couleurs de l'USMA mais «encadrées» comme il le faut par celles du club local, le CRB. Mais cela ne veut pas dire que tous les fans du Chabab sont acquis à cette équipe. Le Mouloudia compte, en effet, un imposant contingent de supporters à Belouizdad et celui-ci se mêle à la «bataille» en déployant, lui aussi, les énormes bandes de tissu en vert et en rouge. Cette frénésie s'est accentuée, lundi après-midi, à l'ouverture d'un guichet de vente de billets pour la finale à la salle Harcha. A ce niveau, des supporters des deux camps se sont retrouvés à faire la même queue et tout semblait se dérouler dans le calme. Parallèlement à ce scénario, avait lieu une autre mise en scène où il est question de gros sous. Depuis que les demi-finales de la Coupe d'Algérie ont rendu leur verdict, des magasins se sont spécialisés dans la vente de produits en rapport avec le match de demain. Au début, il n'y avait que quelques breloques mais depuis deux jours, on a retrouvé l'ambiance algéroise qui précède la célébration de la fête du Mouloud. Il n'est, certes, pas question de vente de pétards ou de feux d'artifice mais c'est tout comme et l'esprit mercantile y est aussi élevé. D'ailleurs, il est bon de signaler que des feux de Bengale, reliquats de la fête en question, sont proposés aux chalands pour un prix oscillant entre 800 et 900 dinars. Le produit qui risque de faire un tabac est sans conteste le petit drapeau (chaque club a le sien), vendu à 100 dinars pièce et que l'on accroche à l'une des portes de sa voiture. On prend le pari qu'aujourd'hui et demain; des milliers de véhicules vont circulé dans la capitale avec un tel objet en guise d'ornement. A côté de cela on trouve de tout: des auto-collants, des fanions, des porte-clés, des casquettes, des chapeaux, des ballons et bien sûr les inévitables maillots. Le vert et le rouge et le rouge et le noir ont envahi la cité et dans ce marché il y a des centaines de millions de centimes pour ne pas dire des milliards qui sont brassés. Une énorme transaction qui échappe totalement aux deux principaux concernés: les deux clubs finalistes. Pendant toute la saison sportive, les dirigeants de ces derniers n'ont eu de cesse de parler de difficultés financières. Au moment où ils ont l'occasion de renflouer leurs caisses, ils sont étrangement absents et abandonnent le terrain à des opportunistes qui savent quand intervenir pour s'enrichir facilement. En tout cas, nous n'avons pas entendu ou lu un communiqué émanant des directions des deux clubs mettant en garde contre l'utilisation frauduleuse de l'image de marque de l'USMA et du Mouloudia. En fermant les yeux sur ce qui s'apparente à un grand trafic qui se réalise sur le dos des deux équipes, on brise l'élan qui veut faire profiter le football des revenus de son propre spectacle. La notion de marketing est vraiment quelque chose d'étranger pour les dirigeants de ce sport, notamment ceux des clubs. Il ne se trompait pas, l'expert en management, lors d'une conférence qu'il avait donnée à l'institut supérieur de la gestion et de la planification de Bordj El Kiffan, lorsqu'il avait dit à un parterre composé de présidents de clubs: «le professionnalisme dans le football se fera mais sans vous».