C'est une affaire d'espionnage qui a été ouverte hier au tribunal criminel de Tizi Ouzou, impliquant deux accusés sous les chefs d'inculpation de « récolte d'informations et de documents destinés à une puissance étrangère, portant atteinte à la défense et à l'économie nationales ». Quelques indications ont filtré de ce procès qui se tient à huis clos, et sur lequel plane l'ombre des redoutables services secrets israéliens. Au box des accusés, S. Saïd, 44 ans, qui a exercé en tant que journaliste dans plusieurs pays africains, et T. Ali, 31 ans, policier à Tizi Ouzou puis à Alger, présenté dans le dossier comme l'un des informateurs du premier accusé. L'affaire a commencé en 1992 lorsque S. Saïd, exerçant alors dans un journal en Côte d'Ivoire, publie un portrait élogieux de Shimon Peres. L'article a attiré l'attention de l'ambassade d'Israël à Abidjan, et l'auteur sera invité à la même période à un stage de formation en Israël en compagnie d'autres journalistes de pays africains et arabes. Les détails de « l'enrôlement » présumé des hôtes d'Israël restent sombres. Les avocats ont été instruits de ne pas divulguer le contenu de l'arrêt de renvoi, mais des indiscrétions font état de documents relatifs aux déplacements du principal accusé dans les pays du Maghreb et du Proche-Orient. Selon le document de la chambre d'accusation, s'appuyant sur des pièces saisies lors de l'enquête, la formation qui a été prodiguée par l'Etat hébreu était à la lisière du journalisme, embrassant les techniques de récolte d'informations sensibles, liées à la sécurité et à l'économie. Les avocats de la défense affirment que le dossier a été amplifié et que les documents en possession de la justice ne dépassent pas le cadre de l'activité journalistique de leur mandant. Ce dernier aurait accompli des « missions » dans de nombreux pays arabes et était rémunéré, selon les pièces de l'accusation, à hauteur de 1500 dollars. Son arrestation aurait eu lieu en 2005 au Maroc, par les services de sécurité de ce pays, avant d'être extradé vers l' Algérie. L'affaire a d'abord été examinée par le tribunal militaire qui s'est déclaré incompétent, la renvoyant à la cour de Tizi Ouzou. Le deuxième accusé, T. Ali, était un élément de la BMPJ à Tizi Ouzou, et aurait donné des informations à son coaccusé sur la situation sécuritaire dans la région. Le procès se poursuivra aujourd'hui. A noter que des moyens audiovisuels ont été utilisés dans le hall du bâtiment judiciaire par des éléments de la « sécurité intérieure de la cour ». A signaler qu'à l'issue de son réquisitoire, le procureur a requis 20 ans de prison contre le principal accusé et 10 ans contre le second. Néanmoins, le tribunal finira par condamner S. Saïd à 10 ans de prison ferme et acquitter T. Ali.